COVID-19 : la filière emballage a su réagir et se réorganiser
publié le jeudi 30 avril 2020
En pleine crise du COVID-19, Elipso a sondé ses adhérents, fabricants d’emballage plastique rigide et souple, pour mesurer l’impact de l’épidémie sanitaire sur l’activité de la filière. Emmanuel Guichard, délégué général de l’association, revient sur les principaux résultats de l’enquête*.
Pourquoi avoir lancé cette étude auprès de vos membres ?
Depuis le début de cette crise, nous faisons un point deux fois par semaine avec nos adhérents volontaires. Mais ces retours n’étaient pas forcément représentatifs de l’ensemble de la profession. Par ailleurs, la publication d’une 1e étude de l’ANIA sur la filière agroalimentaire pointait du doigt l’insatisfaction du secteur (23%) quant à l’approvisionnement en emballage. Une situation qui ne semblait pas refléter notre ressenti et les informations terrain en notre possession. Et qui, au final, s’est avérée être le fruit d’un biais méthodologique. Cela nous a poussé à vouloir lancer notre propre enquête.
Quels ont été les premiers constats ?
La filière a su, dans sa grande majorité, se réorganiser pour honorer les commandes des secteurs clefs (la santé, l’agroalimentaire et l’hygiène). 91% des répondants à l’enquête ont été en capacité de répondre totalement aux demandes. Le secteur est certes passé en «mode dégradé» mais il n’y a pas eu de coup de frein total et brutal. Aucun maillon de notre chaine est plus touché qu’un autre. Le facteur commun, le plus limitant, reste l’absentéisme pour 64% des sociétés interrogées. Pour résumer, il a fallu répondre à une hausse de production de 15% en moyenne avec 15% d’effectifs en moins. Il faut rappeler que normalement le mois de mars est une période calme, dédiée à la maintenance des machines. Il n’y a pas eu d’autres choix de mettre tous les sites en 3×8, de travailler les jours fériés et de mobiliser tous les postes ayant une connaissance technique sur les chaînes de production.
Quels sont les secteurs les plus impactés par cette crise ?
Les industries qui souffrent le plus de cette situation exceptionnelle sont le bâtiment, l’automobile, la logistique et la restauration hors foyer. Cette chute est directement liée aux fermetures obligatoires de certains lieux de travail, de consommation ou encore de loisirs et à une modification très nette des modes de consommation durant la crise. Mécaniquement, les volumes d’emballages auparavant dédiés à la restauration collective, par exemple, se sont reportés sur des ventes unitaires, d’où cette impression d’une surconsommation en emballages. De même, les consommateurs en magasins ont tendance à s’orienter davantage vers les denrées de type fruits et légumes emballés. L’explosion de l’usage du drive – consommateur en emballages – a aussi participé à cette tendance. Si le début du confinement a été marqué par un mouvement de surstockage, entrainant une hausse de 30% des commandes, aujourd’hui la consommation est mieux étalée et lissée mais reste en moyenne à +15%. Avec un pic plus marqué et qui va durer pour des produits spécifiques en détergence ou pour les gels hydroalcooliques (+20%). On a pu d’ailleurs constater que de nombreuses entreprises de la filière emballage ont participé à cet élan national de solidarité en détournant leurs outils de production pour fabriquer des produits parfois éloignés de leur cœur de métier. Et cela principalement à destination des personnels soignants comme des visières de protection ou des surblouses.
Quelles sont les perspectives pour les semaines à venir ?
Il est difficile d’avoir des projections fiables mais il est certain que le pic de production va encore perdurer, et que les usines vont rester sous tension. Les secteurs en difficulté comme la restauration collective hors foyer ne va pas reprendre aussi rapidement. Nous n’attendons pas un retour à la normale avant le mois de décembre. Notre secteur n’est pas à plaindre, il continue de tourner mais dans des conditions loin d’être idéales.
Notez-vous des tensions particulières sur l’approvisionnement en matériaux ?
La baisse du prix du baril de pétrole a entrainé une chute du cours du plastique, il n’y a donc pas de pression sur cette matière. Par contre, les fournisseurs en encres rencontrent des difficultés : l’alcool nécessaire à leur fabrication est utilisé pour la production des gels hydroalcooliques et des produits de détergence. Ce qui entraîne une flambée des prix. Par ailleurs, il existe une tension spécifique sur les boites en pulpe montée utilisées pour le conditionnement des œufs. Les besoins en volume augmentent, mais en face, les outils qui permettent la production de cette pulpe ne peuvent pas monter en cadence.
De quelle manière cette crise va-t-elle influencer l’avenir de l’emballage ?
Cette crise va impacter le pouvoir d’achat du consommateur, il est à craindre une guerre des prix dans la grande distribution. L’innovation passant au second plan derrière la productivité. Si les projets de nos adhérents avec leurs clients autour de l’économie circulaire et de la recyclabilité se poursuivent, la baisse du prix du plastique vierge n’est pas un bon présage et risque de freiner l’incorporation de plastique recyclé dans les emballages pour des raisons évidentes de coût. Pourtant, cette pandémie aura eu au moins un effet positif : la compréhension de l’utilité de l’emballage, et son rôle de protection des produits. Cette reconnaissance par le Premier Ministre, lui-même, a apporté une vraie fierté aux salariés de la filière. Cela ne remet pas en cause les projets de loi en cours, mais nous espérons que cela ouvrira une écoute et un dialogue peu présents auparavant avec les autorités.
* Sondage flash réalisé du 3 au 7 avril 2020 auprès des entreprises adhérentes d’Elipso. Le taux de réponses validées couvre plus de 50% des adhérents. Les entreprises ayant participées sont à 2% des TPE, 51% des ETI, 45% des PME et 2% des GE. Les secteurs clients fournis sont l’alimentaire pour 79% des répondants, l’hygiène-beauté pour 45%, la chimie pour 30%, le transport-logistique pour 11%. La répartition selon les matériaux constitutifs est de 53% pour le plastique rigide et 35% pour le plastique souple.
Extrait de la revue n° 647 – Avril 2020. Reproduction interdite sauf accord écrit d’Emballage Digest ou mention du support