La voie prometteuse des thérapies digitales
publié le jeudi 19 janvier 2023
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Les thérapies digitales (Digital Therapeutics ou DTx), qui n’existaient pas il y a dix ans, sont devenues une catégorie à part de produits de santé et un secteur industriel en plein développement avec la digitalisation, composé d’entreprises telles que Voluntis (Groupe Aptar), Sivan Innovation (MoovCare), Tilak Healthcare ou encore Bliss. Pour Rodolphe Renac, président des activités santé d’Alcimed aux Etats-Unis (photo), c’est l’opportunité pour les fabricants de dispositifs médicaux et d’emballages, de faire un saut dans la création de valeur qu’ils offrent à leurs clients laboratoires pharmaceutiques et de mieux les accompagner dans la santé connectée.
Qu’est-ce qu’une « thérapie digitale » aujourd’hui ?
Le point de départ a été la démonstration de l’efficacité clinique des logiciels ou algorithmes à visée thérapeutique. Ces logiciels autonomes sont ainsi devenus des dispositifs médicaux à part entière («software as a medical device») avec des bénéfices patients prouvés dans un cadre réglementaire pour «prévenir, gérer ou traiter» une maladie, selon la définition de la Digital Therapeutics Alliance*, l’association professionnelle créée par les leaders du secteur pour le structurer. On distingue plusieurs sous-segments à ce jour, qui n’ont pas fini de s’étayer. Il y a les plateformes de suivi de l’observance et d’aide au suivi thérapeutique entre médecins et patients telles que Insulia®, développée par Voluntis, dans le diabète. A cela s’ajoutent les Prescription Digital Therapeutics (PDT), qui visent une nouvelle approche thérapeutique de rééducation et d’interaction avec le patient à partir d’un logiciel. Les applications visent principalement les maladies cognitives : déficits de l’attention, troubles addictifs, etc. Les pionniers dans ce domaine sont américains. Exemple : PEAR Therapeutics a développé Somryst® qui est un PDT remboursé par la FDA pour traiter l’insomnie chronique. Une autre catégorie de DTx sont les biomarqueurs numériques, qui aident au diagnostic d’une maladie à partir d’un logiciel, par exemple pour le mélanome en dermatologie.
Qu’en est-il de l’accès au marché et au remboursement de ces solutions ?
Les DTx sont un marché en plein ébullition, estimé entre 25 à 30 milliards d’euros en 2025. On est encore loin de sa maturité et d’un business model établi. Le cadre réglementaire est encore en train de se construire dans les différents pays avec des spécialistes dédiés à l’évaluation de ces produits : la FDA américaine en tête, suivie du Royaume-Uni, de l’Allemagne (DiGA), de la France (qui va lancer son système d’accès au marché sur le modèle allemand), la Suisse, la Belgique, le Japon en Asie … Ce qui différencie le DTx d’une simple application, est la preuve clinique de son efficacité sur le patient, mais aussi la sécurité du système liée à sa nature digitale. Mais certains DTx sont déjà remboursés par des caisses nationales, notamment en France.
Quelle est la stratégie des laboratoires pharmaceutiques ?
Les laboratoires pharmaceutiques sont en train de structurer leur stratégie en matière de DTx et de la création de valeur que représentent ces développements autour de leur marque, de leurs produits ou services supplémentaires. Certains les envisagent comme un nouveau centre de profit avec la nécessité de structurer la R&D et d’internaliser ces nouvelles compétences. C’est le cas notamment d’AstraZeneca et d’Ethypharm. L’enjeu étant de savoir comment ils peuvent apporter de la valeur au système de santé et construire un modèle gagnant-gagnant.
Quel rôle joue Alcimed à leur côté ?
Les DTx sont encore un territoire inconnu pour la plupart des laboratoires pharmaceutiques, medtech ou pure players du DTx. Il y a des enjeux de cadrage, de sémantique, mais aussi de définition technique ou réglementaire. Au-delà, nous apportons un accompagnement sur plusieurs axes. D’abord, identifier et qualifier des partenaires, notamment des start-ups, par rapport à une intervention thérapeutique dans une dynamique de codéveloppement. Ou évaluer l’amélioration des parcours patients, quand ces nouvelles solutions sont sources de création de valeur. Ou encore aider les pure players à accéder au marché, au financement ou au partenariat.
Quel impact voyez-vous sur le business model des
fabricants de dispositifs médicaux et d’emballages pharmaceutiques ?
Ces fabricants à l’image de Voluntis, acquis par Aptar Pharma depuis 2021, ont évolué avec le numérique. La plateforme de télésurveillance de Voluntis est aujourd’hui déclinée dans de nombreuses aires thérapeutiques au-delà du diabète : cancer, immunologie, neurologie, maladies respiratoires.
Ce que proposent les DTx est une troisième voie pour soigner, en complément des médicaments chimiques et biologiques, dans laquelle s’engouffrent les laboratoires pharmaceutiques. Ils ont déjà fait leurs preuves dans de nombreuses aires thérapeutiques clés : diabète, cancer, troubles cardiovasculaires ou encore SNC (douleur, dépression, …). Et de nombreux essais sont en cours pour aller plus loin.
Pour les fabricants de dispositifs médicaux et d’emballages, la suite relève d’une question de positionnement et de stratégie. Pour ceux présents dans le dispositif médical de classe 3, la marche n’est pas si élevée à monter pour aller vers davantage de création de valeur pour leurs clients. Cela pose néanmoins de nouveaux challenges en termes de compétences à acquérir : réglementaires, technologiques, systèmes d’information… Et le plus gros problème à résoudre reste la cybersécurité avec le RGPD en Europe. Le risque de détournement des données, voire des usages, est toujours possible comme l’a montré récemment BD, qui a communiqué sur une faille de cybersécurité dans les algorithmes de ses systèmes de dispensation automatique de médicaments et de suivi de diagnostic.