Sous-traitance pharma : un nouvel élan pour le « made in France »
publié le dimanche 30 juin 2024
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Au fil des années, les Contract Drug Development and Manufacturing Organizations (CDMOs) tels que Delpharm, Unither Pharma, Skyepharma ou encore Biose Industrie, sont devenus des partenaires clés du développement des laboratoires pharmaceutiques et sociétés biotech sur un marché mondial qui croît de 6,74% par an, estimé à 330 milliards de dollars en 2029 (Modor Intelligence)*. Ces acteurs, qui affichent une forte empreinte industrielle européenne, veulent croire en la nouvelle donne qui se dessine en faveur de la souveraineté sanitaire et de la reconquête d’un leadership industriel français. La priorité est aujourd’hui donnée au développement de nouvelles capacités pour répondre aux besoins, à la spécialisation pour se différencier et, dans l’ensemble, à un accompagnement élargi de l’innovation jusqu’au conditionnement et l’industrialisation du médicament.
Les acteurs français, européens et mondiaux de la sous-traitance pharmaceutique représente un secteur à part entière en France, fédéré au sein de l’association CDMO France, qui compte 24 sociétés réalisant 2,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires avec 18 000 employés, à partir de 80 sites de production de médicaments. «Au gré des reprises de sites, la sous-traitance pharmaceutique s’est développée et consolidée ces dernières années», souligne Stéphane Lepeu, président de CDMO France. Avec l’émergence d’acteurs de taille significative tels que le groupe Delpharm, dont il est directeur général délégué, même si le secteur reste encore fragmenté. Les cessions d’usines par les grands laboratoires continuent également. Delpharm vient notamment d’acquérir un site d’Astellas, à Meppel, aux Pays-Bas, de production de formes solides (comprimés et gélules) représentant une nouvelle capacité de 40 millions de médicaments. Il s’agit de son troisième site sur place, avec celui de Bladel et son centre de développement de médicaments injectables à Leiden.
Produits hautement actifs et médicaments injectables
Avec plus d’un milliard de boites de médicaments fabriquées par an et un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros au niveau mondial, Delpharm est un acteur majeur dans la production de médicaments avec 17 sites en Europe, dont 11 en France, et deux au Canada. C’est aussi un partenaire clé de la relocalisation et de la sécurisation des chaînes d’approvisionnement sur les médicaments essentiels pour les patients, alors que l’Europe a édité une liste resserrée de 200 médicaments critiques dont il faut garantir l’approvisionnement en priorité auprès des CDMOs européennes (par exemple le curare, la morphine, l’amoxicilline pédiatrique, …). «Les entreprises de CDMO France produisent déjà 40% des médicaments essentiels, indique Stéphane Lepeu. Et ce pourcentage atteint 25% pour Delpharm seulement». Dans la pandémie, le groupe leader français s’est distingué en produisant le vaccin de BioNTech sur son usine de Saint-Rémy ainsi que l’un des curares en pénurie sur son site de Dijon. «Aujourd’hui, nous sommes engagés fortement dans la relocalisation en France de médicaments essentiels, en renforçant nos capacités sur les sites de Lille (anticancéreux, produits hautement actifs) et Tours (médicaments injectables)», note-t-il. Pour accompagner l’innovation, le façonnier a également investi dans le développement analytique des molécules, pour accompagner l’innovation sur la phase amont des laboratoires et sociétés biotech, grâce à l’expertise de son site de R&D de Leiden (sur les formes injectables) et de son site d’Orléans (liquides et semi-solides). «Nous avons également des capacités de développement analytique à Brétigny et Reims pour les formes sèches», précise-t-il.
Un nouveau « standard of care » dans l’ophtalmologie
Unither Pharmaceuticals s’est fait un nom dans le conditionnement de médicaments liquides sans conservateur dans des doses uniques stériles grâce à la technologie blow-fill-seal (BFS) avec des applications mondiales sur les marchés de l’ophtalmologie (collyres, lavage oculaire) et du respiratoire (asthme, BPCO), contribuant à renforcer la sécurité et la facilité d’utilisation des médicaments. «D’une façon générale, nous faisons face à une forte demande dans l’ophtalmologie et renforçons nos capacités dans tous les domaines et sur toutes les géographies, analyse Eric Goupil, DG d’Unither. L’augmentation de capacités en BFS concerne ainsi nos sites d’Amiens, Coutances et Gannat, mais aussi aux États-Unis et en Chine. Nous disposons également de nouvelles capacités multi doses à Coutances». De plus, Unither a lancé le projet Euroject, il y a deux ans, pour proposer des dispositifs prêts à l’emploi, à partir de doses uniques de vaccins, grâce à la technologie BFS. «Le premier bâtiment est finalisé et nous attendons des équipements qualifiés d’ici 2025», note le dirigeant. Autre projet innovant : Unither soutient la start-up Biophta en tant que partenaire financier, de développement et industriel. Celle-ci a levé 6,5 millions d’euros pour financer le premier essai clinique chez l’homme d’inserts ophtalmiques topiques révolutionnant le traitement du glaucome (phase I prévue en 2025 pour un marché mondial de 8,7 milliards de dollars) et le développement préclinique d’un second programme dans l’œdème maculaire (phase I en 2026, 9,6 milliards de dollars), ciblant ainsi les deux principales causes de cécité. HTL Biotechnologie, leader mondial du développement de la bio-production de biopolymères de grade pharmaceutique, est également de la partie. Le nouveau «standard of care» proposé par Biophta, pour les maladies oculaires, est basé sur sa plateforme technologique de biopolymères «thiomer». L’insert ophtalmique, sous la forme d’un mini-comprimé de 3 millimètres de diamètre, s’applique directement sur la surface de l’œil, comme une lentille, et se transforme en pastille d’hydrogel qui délivre pendant sept jours une dose contrôlée en continu. Avec ce nouveau traitement topique, non invasif et auto-administré, la société solutionne à la fois les problèmes d’observance associés au traitement par collyres, mais s’affranchit également du caractère invasif et du coût élevé des injections intraoculaires, qui sont fréquentes et douloureuses pour les patients. «Au travers d’Euroject et de notre partenariat avec Biophta, nous affirmons notre engagement pour développer des solutions de délivrance innovantes améliorant le service rendu aux patients», conclut Eric Goupil.
Un service à la carte pour l’innovation
Sur son site de Saint-Quentin-Fallavier, à Lyon, Skyepharma accompagne ses clients partenaires dans le développement de projets de production de formes complexes orales. «La complexité peut être liée à la formulation (libération contrôlée), des conditions de fabrication difficiles (principes hautement actifs tels que les traitements anticancéreux) ou une supply chain atypique (produits de niche ou maladies orphelines)», explique Laurent Rigaudeau, directeur commercial de la société. Sur ce type de produits, qui peut parfois ne concerner que quelques milliers d’unités, Skyepharma développe des solutions de packaging qui permettent de gagner en agilité et flexibilité dans leur préparation et expédition à travers le monde. «Il s’agit de combiner du packaging standard automatisé (tel que de la mise sous pilulier ou blister), avec des procédés manuels ou semi-manuels sur des petites séries à façon qui ont des exigences particulières (par exemple, le besoin d’une ouverture sécurisée sur les flacons de produits hautement actifs) et cela, jusqu’au packaging secondaire (étui, notice), voire des kits avec plusieurs accessoires», décrit-il. Ce véritable «service à la carte» intègre bien entendu la traçabilité et la qualité pharmaceutique. «Certains modes de conditionnement sont difficilement automatisables pour des médicaments destinés à la voie orale, tels que les mini- comprimés ou les poudres pour un usage pédiatrique, nécessitant un traitement personnalisé», explique-t-il. Les pays de destination sont l’Europe et les États-Unis, les deux principaux marchés, mais aussi le Brésil et le Moyen-Orient, et demain le Japon et l’Asie sur lesquels des projets sont en cours. D’ici la fin de l’été, Skyepharmaaura finalisé la construction d’une seconde zone de R&D, aux normes GMP et de la FDA américaine, pour produire – voire relocaliser – des molécules hautement actives par voie orale.