Alimentation animale : les sachets font la part belle à la monomatière
publié le mardi 30 avril 2024
Abonnez-vous à la revue pour lire la suite de l'article
s'abonner
Sur le marché porteur de l’alimentation animale, les fabricants de sachets concentrent leurs efforts sur le développement de solutions en plastique monomatière. La nature même de ces aliments, devenus sophistiqués, complique la tâche – notamment pour des sachets stérilisables, ou conçus à base de papier.
Le marché de l’alimentation animale reste ultra-dynamique et progresse d’année en année, affichant une croissance annuelle de 2-3% en France (source : Euromonitor). Trois segments le composent. «L’alimentation sèche est très importante en volume, et en progression de 2% par an. L’alimentation humide – soit les pâtés pour chats et chiens, enregistre une croissance de 5% par an. Sur ce segment, les pochons stérilisables connaissent une expansion, tandis que ces dernières années, le format boite est en baisse. Enfin, le segment «care and treat» – les snacks, les récompenses, principalement en sachets, se développe fortement avec une croissance de 10 à 15% par an», résume Jérôme Detais, responsable commercial pour Coveris. Fait plutôt rare, d’autant plus en période d’inflation : le consommateur est prêt à payer… et la différence de prix entre les marques et les produits peut être assez marquée. Chez Mondi, Olivier Werbrouck, responsable régional des ventes Emballages Flexibles pour l’animalerie et l’hygiène, constate «des variations dans les segmentations. L’ultra-premium a baissé au plus fort de l’inflation, mais cela s’est rééquilibré. La croissance est plus marquée en Europe de l’Est, mais le marché reste dynamique et attractif en Europe de l’Ouest avec beaucoup de «petits nouveaux» et la concentration des acteurs», analyse-t-il.
En termes de packaging, les produits pour chiens sont majoritairement vendus en sachets. Les marques ont réduit les tailles des sacs, à la fois parce que les chiens adoptés au sein des foyers sont plus petits, et pour l’optimisation en rayonnage. L’alimentation pour les chats est, elle, répartie entre les sachets souples préformés, les sachets FFS (Form-Fill-Seal), les boites et les barquettes en aluminium. «Le secteur de l’alimentation humide s’adresse aux propriétaires de chats et de chiens – de plus en plus nombreux dans les foyers. On recensait 15 millions de chats et 7 millions de chiens domestiques en 2023 sur notre territoire ! C’est un marché porteur : l’alimentation humide est source d’hydratation pour les animaux, les producteurs y incorporent des nutriments et les consommateurs trouvent ces emballages déjà pré-portionnés pratiques. Pour la France, on estime le volume annuel de fabrication d’environ un milliard de poches», précise Franck Clabaut, responsables des ventes pour ProAmpac, fabricant d’emballages flexibles.
Focus sur le mono-matériau
Sur ce marché drivé par le marketing, il faut séduire les propriétaires d’animaux. L’esthétisme de l’emballage compte : sa tenue, son design, les éléments pratiques, la décoration… Pour ces produits à forte valeur ajoutée, les clients veulent des emballages pratiques. Cette tendance à la praticité est déjà bien installée : de nombreux sacs incluent des poignées et des systèmes d’ouverture et de refermeture. L’alimentation animale est par ailleurs devenue plus saine, plus naturelle : les emballages doivent aussi refléter ce mouvement plus «vertueux». Le marché tend donc vers des solutions recyclables – également et surtout – pour répondre aux obligations de la loi Agec. Les fabricants de sacs axent leurs efforts sur les solutions monomatières. Pour les aliments secs, le choix se porte sur le PE. «Aujourd’hui 35% de nos volumes de sacs pour l’alimentation sèche sont en monomatière, et nous visons d’atteindre 80% en 2025. Ils offrent les mêmes caractéristiques que les emballages classiques. Les clients attendant les mêmes facilités d’ouverture, de fermeture : nous avons donc dû convertir certains éléments afin qu’ils s’intègrent à ces sacs», explique Jérôme Detais. ProAmpac propose également des sachets monomatières en 100% PE à destination des aliments secs. «Les propriétés spécifiques de notre film permettent de le découper de façon linéaire lors de la première ouverture du sachet. Un zip en PE peut compléter l’emballage», détaille Franck Clabaut. De nombreux autres fabricants – comme Mondi, Plastrela ou Huhtamaki – ont conçu ce type de solution monomatière. Il s’agit principalement de sachets multicouches car ces aliments élaborés (croquettes semi-humides, produits enrichis, etc.) nécessitent une protection accrue. «Le plastique offre une barrière à l’oxygène : c’est un avantage car les croquettes s’oxydent. Par ailleurs, ces produits sont riches : une barrière à la graisse est nécessaire, ce que le plastique assure plus ou moins. Pour certaines gammes ayant besoin d’une barrière plus importante, on peut rajouter de l’EVOH, ou autre procédé barrière», souligne Olivier Werbrouck. «Tout dépend des produits conditionnés, et la façon dont les clients les conditionnent. Par exemple, si les sachets sont transportés dans des cartons recyclés, il peut y avoir une problématique de migration d’huile minérale – nécessitant l’ajout d’une barrière», précise Jérôme Detais. Autre volet de l’éco-conception : le décor. Les clients se montrent désormais plus sensibles aux impressions écologiques, sans solvant, ou en quadrichromie pour réduire le nombre de couleurs.
Le Graal : un sachet mono-matière stérilisable longue conservation
Les sachets pour les aliments humides – très standardisés en termes de format, prévoient généralement une conservation de 24 mois. Ils sont encore majoritairement fabriqués en complexe plastique- aluminium. Les marques souhaitent désormais des sachets prêts à être recyclés, sans aluminium et avec la même qualité de barrière. Il est aujourd’hui possible de les fabriquer dans une version monomatière en PP, apte à supporter un process de stérilisation allant parfois jusqu’à 140 degrés pendant plusieurs dizaines de minutes. Avec cette option cependant, «les marques doivent faire une concession sur la durée de vie du produit, qui sera plutôt à un an qu’à deux. Cette alternative met plus de temps à se déployer sur le marché», remarque
Olivier Werbrouck. ProAmpac a mis au point des emballages très haute barrière stérilisables en 100% PP.
«Nous avons créé ce complexe spécifique en partenariat avec l’université polytechnique de Montréal et notre CIC (Centre d’innovation et de Collaboration) de Rochester. Nous allons lancer avec le CTCPA (Centre Technique de la Conservation des Produits Agricoles) un protocole d’analyse de vieillissement dans le but de prouver que ces pochons ont les qualités barrière requises pour une conservation maximum», indique Franck Clabaut. Mais pour l’instant, «il n’existe pas vraiment de solution totalement équivalente à ce que l’on trouve sur le marché. Tous les fabricants de sachets y travaillent», résume Jérôme Detais.
L’emballage base papier, encore peu adapté à l’alimentation animale
Les solutions à base de papier ne répondent pas encore aux besoins de protection de ces aliments, et ne constituent qu’un segment de niche. Mais les fabricants explorent la piste. Mondi est en capacité de proposer des solutions mixtes à base de papier sans PFAS. «Ces aliments riches en gras impliquent d’utiliser des papiers oléophobes très traités. Ces barrières à la graisse contiennent des PFAS, des substances fluorées remises en question», relève Olivier Werbrouck, qui ne constate pas un engouement pour les sachets en papier, ni de transfert du sachet plastique vers celui en papier. «Cela n’aurait pas forcément de sens sur le plan écologique. Par ailleurs, la législation française n’impose pas plus de 50% de fibres – contre plus de 80% chez certains de nos pays voisins – dans ces packaging mixtes pour les estimer recyclables. Ils contiennent donc encore une grande part de plastique», ajoute-t-il. ProAmpac a également mis au point pour les aliments secs des solutions base papier avec barrière. «La problématique sur ces aliments est qu’ils sont vendus en volume important de plusieurs kilos : il faut donc que nos emballages puissent contenir ce poids. Nos équipes R&D travaillent sur plusieurs solutions», assure Franck Clabaut. La société vient d’annoncer le rachat du producteur de kraft recyclé UP Paper afin de répondre aux besoins de ses clients sur le marché américain.
Pour l’instant, pas d’annonce d’acquisition en Europe, où «la demande est émergente – les producteurs étant encore très attachés aux options de fermetures des sachets comme les zips par exemple. Or sur un emballage 100% papier, cette option ne sera pas possible», ajoute-t-il. Les sociétés UPM Speciality Papers et Fiorini Packaging ont, elles, annoncé une cocréation matérialisée par le lancement d’un sac à base de fibres pour des applications à destination de l’alimentation animale jusqu’à 20 kg, assurant «un haut niveau de résistance à l’humidité et à la graisse», sans PFAS et sans laminé plastique. La composition de cette solution combine la technologie Moistshield® de Fiorini Packaging dans une double couche de papier à l’intérieur, et une couche de papier barrière supplémentaire Asendo™ Pro (enduit de chaque côté), fourni par UPM, à l’extérieur, pour une résistance accrue à la graisse. La technologie Moistshield® offre des propriétés hydrofuges sans laminé plastique, grâce à une «tension spécifique» au niveau de la surface du papier, permettant à l’eau de glisser – et non d’être retenue par le papier. Selon le fabricant italien, l’effet barrière est ainsi plus important, et la protection du produit plus longue. Les sociétés estiment que cette solution sans laminé plastique assure des niveaux de résistance à la graisse et à l’humidité similaires à des sachets fabriqués avec une couche de laminé.
Mais pour l’instant donc, le sachet plastique domine le marché. Les fabricants ont en tête l’intégration de matière recyclée, mais elle reste très limitée. En effet, peu de matériaux recyclés de façon mécanique sont aptes au contact alimentaire, et le coût du plastique recyclé chimiquement est encore trop élevé. Rare exemple : Sabic, Mars Petcare et Huhtamaki ont collaboré fin 2021 afin de produire un emballage pour l’alimentation humide de la marque Sheba®, utilisant du PP certifié circulaire de la gamme Trucircle™ de Sabic. Le film multicouche est fabriqué par Huhtamaki. La majorité des fabricants se focalise plutôt sur un autre challenge : réduire les épaisseurs de film plastique, tout en maintenant un bon niveau de résistance et de rigidité du sachet.