Automates de déconsignation : ce n’est que le début !
publié le lundi 30 septembre 2024
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Le taux de récupération des bouteilles en plastique ne progresse pas assez vite en France. Ayant déjà fait ses preuves ailleurs, la solution consistant à mettre en place un système de consigne obligatoire appuyé par un déploiement massif d’automates RVM (Reverse Vending Machines) apparaît de plus en plus nécessaire.
Avec un taux de collecte des bouteilles en plastique pour boissons qui peine à décoller des 60% (61,1%, en 2021 et 60,3% en 2022 selon l’Ademe), la France est mal partie pour atteindre les objectifs – 77% en 2025 et 90% en 2029 – fixés dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC). En principe, selon l’article 66 de cette même loi, l’insuffisance du système de collecte sélective actuel pour réaliser ces objectifs – démontrée assez clairement, semble-t-il, par les chiffres rendus publics par l’Agence de la transition écologique en 2023 – aurait déjà pu, ou dû, conduire à des prises de décision gouvernementales en faveur de la généralisation de la consigne en vue du recyclage et/ou du réemploi de ce type de contenants. «Malheureusement, il n’en a rien été», déplore Stéphan Arino, directeur des affaires publiques (Europe de l’Ouest) de Tomra, l’un des principaux fournisseurs mondiaux d’automates RVM (Reverse Vending Machines)pour la collecte/déconsignation d’emballages avec Envipco et RVM Systems.
Du verre au plastique
« Pourtant, l’expérience de pays comme la Lettonie, dont le taux de collecte (environ 80% aujourd’hui) a doublé depuis la mise en place d’un dispositif de consigne il y a trois ans, prouve que c’est bien la voie à suivre pour éviter les dépôts sauvages d’emballages», insiste notre interlocuteur. Et de rappeler que le futur règlement européen sur les emballages et déchets d’emballages exigera de toute façon, lui aussi, un taux de collecte d’au moins 90% pour les emballages de boissons en métal et en plastique à usage unique d’ici à 2029… Avec en l’occurrence, souligne-t-il, la mise en place obligatoire d’un système de consigne si ce taux ne peut être obtenu avec les dispositifs de collecte déployés jusque-là par les États membres. «La consigne est la seule solution, tout le monde le sait. Mais en attendant, nous perdons du temps !», peste le représentant de Tomra. Une situation qui, toutefois, n’empêche pas cette société norvégienne, fondée en 1972, de placer ses pions en France. À l’initiative du brasseur Meteor (associé à d’autres marques), elle a notamment installé une centaine de machines pour le réemploi du verre consigné – son activité historique – en Alsace. Mais elle est bien entendu présente également sur le créneau de la collecte des canettes et des bouteilles en plastique pour le recyclage. Et dans le cadre d’un projet pilote mené à Aarhus, au Danemark, elle développe même une nouvelle machine polyvalente destinée aux emballages alimentaires de vente à emporter (gobelets, verres, boîtes, bocaux …)
Collecte contre gratification
Pour Stéphan Arino, le marché français, en l’état actuel, a ceci de particulier qu’il est l’un des rares où l’installation d’automates de récupération a pu se hisser à un niveau non négligeable (plus d’un millier d’unités) en l’absence d’un système de consigne national sur les emballages à usage unique. «Jusqu’à présent, le modèle qui s’est imposé est celui consistant à gratifier le consommateur, pour chaque canette ou contenant plastique remis, d’un bon d’achat de un ou deux centimes valable dans la grande surface à l’origine de l’implantation de la machine. Par conséquent, nous appliquons ce modèle, même si nous considérons qu’il ne peut pas être aussi efficace que la consigne à grande échelle». Mais qu’il s’agisse de déconsignation ou de collecte contre gratification, le directeur des affaires publiques reconnaît que cela ne change rien, ou pas grand-chose, à l’intérieur des machines : «C’est surtout l’organisation financière de la collecte qui sera différente puisque celle-ci doit être gérée par un opérateur spécialement créé à cet effet dans le cas d’une consigne nationale».
En ce qui concerne les bouteilles en PET, il met en avant une autre spécificité française, plus technique cette fois : la prééminence de la réduction du plastique en paillettes par rapport au compactage. «Cela aussi nous le proposons désormais en France, à l’instar de B:bot, notre principal concurrent sur ce marché avec Lemon Tri (NDLR : gamme Delta) et Larbaletier (NDLR : gamme Ecobox)».
Machines « à la carte »
Mais là encore, peu importe : «nous concevons l’automateen fonction des emballages que notre client veut récupérer et de la finalité de cette collecte, à savoir le réemploi et/ou le recyclage. Sachant que cette finalité peut varier en fonction du contenant… La même machine peut ainsi stocker les bouteilles en verre, compacter les canettes et broyer les bouteilles en PET. Mais certaines de ces dernières, conçues à cet effet et dûment reconnues par leur Gencod, pourraient très bien être stockées en vue de leur réemploi si le programme le prévoyait. Bref, c’est un peu à la carte», résume Stéphan Arino.
Une polyvalence qui repose évidemment sur les performances des capteurs (lecture du code, pesage, identification du matériau, de la couleur, de la forme…) situés à l’entrée de la machine, d’une part afin d’orienter chaque type de contenant vers le bon processus, et d’autre part pour lutter contre les tentatives de fraude (introduction de contenants non répertoriés, introductions multiples…). «C’est sur la fiabilisation de cette identification que nous avons le plus travaillé récemment, d’autant que la rapidité de traitement de nos machines les plus capacitives a doublé pour atteindre 120 bouteilles/minute pour les tout derniers modèles, dans lesquels il est possible de déverser le contenu d’un sac entier en une seule fois».
Les atouts du broyage sur place
S’il est loin de rivaliser avec Tomra (82 000 automates de déconsignation installés à travers le monde) au niveau international, le français B:bot se targue d’être non seulement numéro un des automates de collecte dans l’Hexagone, avec environ 800 unités, mais aussi le pionnier du «broyage en place». «Notre part de marché est actuellement de l’ordre de 60% et nous doublons grosso modo notre parc tous les 12 mois», se félicite Benoit Paget, dirigeant de Green Big, la start up à l’origine de ce projet industriel initié en 2018. Et d’expliquer qu’il a fallu trois années de R&D pour mettre au point cette machine «made in France» en partant de l’idée qu’il serait plus pratique et plus rentable de transformer sur place le plastique récolté en paillettesplutôt que de laisser cette opération à d’autres acteurs du recyclage. Un plastique en outre trié sur le plan colorimétrique avec les broyats de bouteilles incolores (destinés à la fabrication de nouvelles bouteilles) d’un côté, et ceux issus des bouteilles colorées (appelés quant à eux à être transformés en fibres textiles) de l’autre.
Une matière (presque) prête à l’emploi
« Nos paillettes s’avèrent sept fois plus denses que les bouteilles écrasées, par conséquent nous vidons les machines sept fois moins souvent et nous transportons sept fois plus de matière dans le même volume. Par ailleurs, bien que le broyage concerne également les bouchons et les étiquettes, ces paillettes se révèlent parfaitement aptes à intégrer les processus industriels des recycleurs (Suez, Plastipak, etc.) juste avant l’étape de flottaison/lavage. Elles se négocient de ce fait deux à trois fois plus cher à la tonne que les bouteilles compactées, ce qui conforte le modèle économique que nous proposons à nos clients».
Si les automates B:bot peuvent être loués, ils sont généralement vendus à des grandes surfaces dans le cadre d’une offre comprenant la maintenance (facturée) et le rachat des paillettes à l’enseigne, la société de Benoit Paget se chargeant de les revendre à ses partenaires recycleurs. «Dans le cas d’un magasin en mesure de collecter 1 000 bouteilles par jour, notre machine standard (1 m2 au sol, 3 500 bouteilles récupérables) peut générer un revenu suffisant pour que l’on puisse tabler sur une rentabilisation de l’investissement en 18 à 36 mois».