La filiĂšre packaging a Ă©tĂ© pour sa part un peu plus longue Ă  s’impliquer significativement : nouveaux matĂ©riaux Ă  l’empreinte environnementale rĂ©duite ; packs rĂ©alisĂ©s (tout ou partie) en matiĂšres recyclĂ©s post-consommation (PCR) ; marques repackageant des lignes historiques allĂ©geant le packaging ; prise en compte du tri et de la valorisation des packs en fin de vie ; etc.

Toutes ces initiatives - pour l’essentiel une politique de "petits pas" - sont Ă  saluer
 Cependant mises bout Ă  bout, elles sont encore loin d’avoir rĂ©duit de maniĂšre substantielle l’impact environnemental de la filiĂšre packaging beautĂ©, en particulier celle du luxe !

Car cette industrie est incroyablement dispendieuse. En termes de ratio contenant/contenu, c’est sans doute l’un des plus dĂ©favorables. Prenons l’exemple du rouge Ă  lĂšvres : pour un raisin de 3 Ă  4 gr, le packaging dans sa totalitĂ© reprĂ©sente 20 Ă  35 gr, soit 7 Ă  10 fois plus que de produit. En fin de vie, l’utilisatrice jette aux ordures mĂ©nagĂšres 35 gr de plastique, de mĂ©tal, de dĂ©cors variĂ©s, voire d’aimants (contenant des terres rares, limitĂ©es et polluantes).

Aussi sans dĂ©valoriser ces acquis, il faut se concentrer davantage sur le 2Ăšme R du concept des ‘3R’ - Reduce, Reuse, Recycle - pour obtenir une rĂ©duction significative de l’empreinte carbone des packagings.

Des solutions sur l’axe Reduce ont Ă©tĂ© mises en Ɠuvre : matĂ©riaux biosourcĂ©s ou PCR, packs allĂ©gĂ©s et Ă©co-conçus, utilisation d’énergie renouvelable, etc. Comme d’ailleurs sur le Recycle : packs mono-matĂ©riau plus faciles Ă  recycler, sensibilisation au geste de tri, efforts de la distribution ou des marques pour rĂ©cupĂ©rer les packs en fin de vie, etc.

Mais paradoxalement assez peu d’actions ont concernĂ© jusqu’ici le Reuse, alors qu’il pourrait ĂȘtre une voie intĂ©ressante, en particulier pour les marques de luxe. La rĂ©utilisation permet en effet une rĂ©duction drastique de l’impact environnemental : un pack rĂ©utilisĂ© 5 fois permet un gain de 80% en bilan carbone, soit dix fois mieux que les actions sur ses matĂ©riaux constitutifs ou sur sa fin de vie. Un bilan qui peut encore s’amĂ©liorer au-delĂ  de 5 rĂ©utilisations.

Pourquoi les packs du luxe ne sont pas davantage rĂ©utilisables ? Plusieurs raisons Ă  cela qui impliquent les consommateurs, la distribution, les marques...

CĂŽtĂ© consommateur : celui-ci a souvent envie de changer et zappe de produit en produit et de marque en marque ; mĂȘme fidĂšle Ă  une marque, il peut trouver plus facile de jeter le pack et de racheter un produit ; rechargement et manipulations “mĂ©caniques” peuvent ĂȘtre jugĂ©es compliquĂ©es, ou “clashant” avec l’univers de la beautĂ©.

CĂŽtĂ© distribution : gĂ©rer deux rĂ©fĂ©rences par produit (le produit complet et la recharge) est plus compliquĂ© ; offrir le service de rechargement implique un personnel formĂ© et consomme du temps ; si ce service se dĂ©roule en back office, il demande un espace ad hoc.

CĂŽtĂ© marques : elles doivent reconcevoir le packaging pour le rendre durable ; assurer un rechargement intuitif, le tout en cohĂ©rence avec ses valeurs ; par ailleurs, ce pack rĂ©utilisable (10 Ă  20 fois par ex, soit 2,5 Ă  5 ans d’utilisation) devra ĂȘtre compatible avec des tendances qui auront changĂ© plusieurs fois et des formules qui auront Ă©voluĂ©.

Tous ces dĂ©fis nous indiquent les directions dans lesquelles orienter la feuille de route d’innovation.

Certaines initiatives pionniĂšres ouvrent des voies intĂ©ressantes : avec le Mascara Curator de Hourglass, l’utilisatrice n’achĂšte qu’une fois l’applicateur dont la tige en mĂ©tal plaquĂ©e or est durable ; le Rouge G de Guerlain ou La Bouche Rouge proposent des rouges Ă  lĂšvres rechargeables - on ne change que la cartouche contenant le produit et l’on garde le pack, rĂ©alisĂ© en matĂ©riaux nobles.

Les packagings rĂ©utilisables peuvent en plus intĂ©grer une part de matĂ©riaux PCR ou de matĂ©riaux “verts”, et ĂȘtre conçus pour qu'au soir d’une longue vie, ils soient recyclĂ©s pour nourrir une Ă©conomie en boucle fermĂ©e.

L’enjeu est largement Ă  la hauteur des dĂ©fis : il s’agit ni plus ni moins d’inventer la beautĂ© de luxe rĂ©ellement durable de demain, tout en gĂ©nĂ©rant de l’engagement et de la fidĂ©litĂ©.

Extrait de la revue n° 636 - Mars 2019. Reproduction interdite sauf accord écrit d'Emballage Digest ou mention du support