RĂ©duire significativement lâempreinte environnementale des packaging beautĂ© de luxe avec le âReuseâ - Par Gerald Martines, in-signes -consulting strategy marketing innovation paris &âŠ
31 mars 19 | la parole Ă : | #1023 :: rss
Le dĂ©veloppement durable est de toutes les conversations dans le petit monde de la BeautĂ©. La filiĂšre âingrĂ©dientsâ - premiĂšre Ă sâen saisir - travaille depuis des annĂ©es Ă dĂ©velopper des ingrĂ©dients naturels sourcĂ©s de maniĂšre durable. Il reste Ă faire mais le mouvement est lancĂ©.
La filiĂšre packaging a Ă©tĂ© pour sa part un peu plus longue Ă sâimpliquer significativement : nouveaux matĂ©riaux Ă lâempreinte environnementale rĂ©duite ; packs rĂ©alisĂ©s (tout ou partie) en matiĂšres recyclĂ©s post-consommation (PCR) ; marques repackageant des lignes historiques allĂ©geant le packaging ; prise en compte du tri et de la valorisation des packs en fin de vie ; etc.
Toutes ces initiatives - pour lâessentiel une politique de "petits pas" - sont Ă saluer⊠Cependant mises bout Ă bout, elles sont encore loin dâavoir rĂ©duit de maniĂšre substantielle lâimpact environnemental de la filiĂšre packaging beautĂ©, en particulier celle du luxe !
Car cette industrie est incroyablement dispendieuse. En termes de ratio contenant/contenu, câest sans doute lâun des plus dĂ©favorables. Prenons lâexemple du rouge Ă lĂšvres : pour un raisin de 3 Ă 4 gr, le packaging dans sa totalitĂ© reprĂ©sente 20 Ă 35 gr, soit 7 Ă 10 fois plus que de produit. En fin de vie, lâutilisatrice jette aux ordures mĂ©nagĂšres 35 gr de plastique, de mĂ©tal, de dĂ©cors variĂ©s, voire dâaimants (contenant des terres rares, limitĂ©es et polluantes).
Aussi sans dĂ©valoriser ces acquis, il faut se concentrer davantage sur le 2Ăšme R du concept des â3Râ - Reduce, Reuse, Recycle - pour obtenir une rĂ©duction significative de lâempreinte carbone des packagings.
Des solutions sur lâaxe Reduce ont Ă©tĂ© mises en Ćuvre : matĂ©riaux biosourcĂ©s ou PCR, packs allĂ©gĂ©s et Ă©co-conçus, utilisation dâĂ©nergie renouvelable, etc. Comme dâailleurs sur le Recycle : packs mono-matĂ©riau plus faciles Ă recycler, sensibilisation au geste de tri, efforts de la distribution ou des marques pour rĂ©cupĂ©rer les packs en fin de vie, etc.
Mais paradoxalement assez peu dâactions ont concernĂ© jusquâici le Reuse, alors quâil pourrait ĂȘtre une voie intĂ©ressante, en particulier pour les marques de luxe. La rĂ©utilisation permet en effet une rĂ©duction drastique de lâimpact environnemental : un pack rĂ©utilisĂ© 5 fois permet un gain de 80% en bilan carbone, soit dix fois mieux que les actions sur ses matĂ©riaux constitutifs ou sur sa fin de vie. Un bilan qui peut encore sâamĂ©liorer au-delĂ de 5 rĂ©utilisations.
Pourquoi les packs du luxe ne sont pas davantage réutilisables ? Plusieurs raisons à cela qui impliquent les consommateurs, la distribution, les marques...
CĂŽtĂ© consommateur : celui-ci a souvent envie de changer et zappe de produit en produit et de marque en marque ; mĂȘme fidĂšle Ă une marque, il peut trouver plus facile de jeter le pack et de racheter un produit ; rechargement et manipulations âmĂ©caniquesâ peuvent ĂȘtre jugĂ©es compliquĂ©es, ou âclashantâ avec lâunivers de la beautĂ©.
CÎté distribution : gérer deux références par produit (le produit complet et la recharge) est plus compliqué ; offrir le service de rechargement implique un personnel formé et consomme du temps ; si ce service se déroule en back office, il demande un espace ad hoc.
CĂŽtĂ© marques : elles doivent reconcevoir le packaging pour le rendre durable ; assurer un rechargement intuitif, le tout en cohĂ©rence avec ses valeurs ; par ailleurs, ce pack rĂ©utilisable (10 Ă 20 fois par ex, soit 2,5 Ă 5 ans dâutilisation) devra ĂȘtre compatible avec des tendances qui auront changĂ© plusieurs fois et des formules qui auront Ă©voluĂ©.
Tous ces dĂ©fis nous indiquent les directions dans lesquelles orienter la feuille de route dâinnovation.
Certaines initiatives pionniĂšres ouvrent des voies intĂ©ressantes : avec le Mascara Curator de Hourglass, lâutilisatrice nâachĂšte quâune fois lâapplicateur dont la tige en mĂ©tal plaquĂ©e or est durable ; le Rouge G de Guerlain ou La Bouche Rouge proposent des rouges Ă lĂšvres rechargeables - on ne change que la cartouche contenant le produit et lâon garde le pack, rĂ©alisĂ© en matĂ©riaux nobles.
Les packagings rĂ©utilisables peuvent en plus intĂ©grer une part de matĂ©riaux PCR ou de matĂ©riaux âvertsâ, et ĂȘtre conçus pour qu'au soir dâune longue vie, ils soient recyclĂ©s pour nourrir une Ă©conomie en boucle fermĂ©e.
Lâenjeu est largement Ă la hauteur des dĂ©fis : il sâagit ni plus ni moins dâinventer la beautĂ© de luxe rĂ©ellement durable de demain, tout en gĂ©nĂ©rant de lâengagement et de la fidĂ©litĂ©.
Extrait de la revue n° 636 - Mars 2019. Reproduction interdite sauf accord écrit d'Emballage Digest ou mention du support