Les spiritueux prêts à se réinventer ? - Par Sophie de Reynal - Directrice Marketing de NutriMarketing
30 novembre 19 | la parole Ă : | #1747 :: rss
A l’instar du marché du vin ou de celui de la viande, le marché des spiritueux en France baisse de 2,1% en volume et de 1,4% en valeur (1). En cause les messages sanitaires, la crainte des sanctions liées à l’alcool au volant et surtout la volonté des consommateurs de limiter les risques pour leur santé. Toutefois, la consommation française reste au-dessus de la moyenne d’Europe occidentale en volume (6,4 l/an/hab. vs. 5l/an/hab. respectivement) et même bien au-dessus de la moyenne mondiale en valeur. Ainsi en moyenne, les Français dépensent 347,1 $/an/hab. en boissons spiritueuses quand la moyenne mondiale est à 174,8 $ et la moyenne d’Europe Occidentale à 273,7 $ (2). Les Français consomment de moins en moins mais mieux.
La recherche de produit premium est l’une des grandes tendances du secteur avec des produits plus élaborés tant par la qualité des ingrédients utilisés, comme par exemple le cognac Martell qui lance Chanteloup XXO, un assemblage de plus de 450 eaux-de-vie anciennes issues des quatre crus les plus prestigieux du terroir Cognac, que par l’utilisation d’emballages haut de gamme. Le verre représentant la quasi totalité des emballages des spiritueux, les innovations emballage se feront sur les formes des bouteilles (carafes, rappelant l’univers des parfums), l’ajout de sleeves ou sur le suremballage en coffret carton ou bois, les Maisons de spiritueux profitant de certains événements de l’année (St Valentin, Noël, …) pour sortir des éditions limitées. Ainsi, Suze s’associe au graffeur Yakes pour lancer quatre éditions limitées illustrant trois quartiers de Paris et un de Lyon. Ballentine’s commercialise également deux éditions limitées pour Noël : une bouteille sleevée rouge pour la version Finest aux design graphiques repris et déclinés dans les tons bleus sur un étui pour le 12 ans d’âge.
Autre tendance montante dans les spiritueux, les micro-distilleries qui, à l’instar des micro-brasseries, fleurissent ici et là , se basant sur des approvisionnements locaux et jouant la carte du « small guy » cher aux consommateurs à la recherche de valeurs, de transparence, d’authenticité, de produits artisanaux qui rassurent. Toutes les régions de France ont ainsi lancé leur whisky local, et voire pour certaines des gins régionaux.
Les consommateurs de spiritueux sont plus souvent des hommes (63,7%), de plus de 55 ans (31,8%) (2), aussi pour attirer les femmes et les jeunes générations, les fabricants proposent d’une part des produits moins forts en alcool (voir sans alcool) et d’autre part de nouvelles expériences sensorielles en jouant sur le métissage des aromatisations, des couleurs et des textures, tant pour les contenus que pour les contenants. Ainsi de nombreux gins rose ont vu le jour comme chez Gibson’s qui ajoute des notes naturelles de fraise et de pétales de rose pour séduire une clientèle plus féminine, ou chez Gordon’s qui a déjà vendu plus de 10 millions de cols dans le monde de sa version Pink dans une bouteille très féminine, avec beaucoup de transparence pour mettre en avant la couleur rosée du produit, soulignée par du rose plus soutenu sur les étiquettes et le bouchon. De leur côté, les vodkas s’aromatisent au citron, à la mangue ou aux fruits rouges, les rhums s’arrangent avec des fruits ou des épices, le whisky se met au miel ou au thé et le gin au chanvre comme on a pu le voir lors du salon Anuga de Cologne en octobre dernier.
Enfin pour tenter de fidéliser les consommateurs ou d’en recruter de nouveaux, les marques d’alcool font du co-branding avec d’autres produits comme des chocolats, des glaces ou des gâteaux. Ainsi, le baba se fait au Limoncello et la glace au Bailey’s. Le Lagavullin se retrouve dans du chocolat noir et le rhum Négrita dans des cannelés bordelais.
Alors qu’on nous promet que 50% des produits que l’on consommera dans cinq ans n’existent pas encore, le marché des spiritueux va devoir se réinventer pour recruter de nouveaux consommateurs ou de nouvelles façons de consommer. Les innovations packaging seront en cela, sans doute, un vecteur important de différenciation.
(1) Source : Fédération Française des spiritueux 2018
(2) Source : GlobalData 2018
Extrait de la revue n° 643 - Novembre 2019. Reproduction interdite sauf accord écrit d'Emballage Digest ou mention du support