Quand la Nature nous emballe - Par Alain Renaudin, président de NewCorp Conseil & fondateur de Biomim’expo
30 juin 20 | la parole Ă : | #2304 :: rss
Consommateurs en matières, ressources naturelles et énergies, les emballages sont ces derniers temps malmenés par le mouvement du « plastic bashing ». Mus d’une véritable prise de conscience de l’impact environnemental de leurs produits du quotidien, les consommateurs sont désormais sensibilisés au tri sélectif et à l’importance du choix des emballages. Une préoccupation que l’on retrouve aussi de plus en plus au sein même des équipes internes des industriels et qui interpelle désormais les stratégies RH et marque-employeur. Comment donc pour les fabricants d’emballages innover en s’inspirant du vivant ?
L’homme n’a pourtant pas inventé le concept de packaging : l’enveloppe, la peau, la croute, la carapace, la coquille, l’écorce… l’emballage est partout dans la nature. A la grande différence des « nôtres », l’emballage dans le vivant ne devient pas déchet. Il protège, un temps souvent éphémère, puis se dégrade et est assimilé. Une autre caractéristique est que l’emballage dans le vivant, et cela peut paraitre contre-intuitif, est toujours individuel. Là où nous avons les étuis et sachets individuels produisant une quantité démultipliée de déchets, la nature le fait systématiquement et sans péril : les œufs sont emballés, mais pas par pack de 12 !
L’emballage est une expertise du vivant depuis des centaines de millions d’années, le biomimétisme est une approche permettant de s’inspirer de ces multiples cas de figure et preuves de concepts pour nous aider à optimiser nos propres process de production, ou pour simplement penser autrement. Nous ne sommes qu’au début de cette approche en plein développement.
Les surfaces antimicrobiennes sont omniprésentes, notamment chez les organismes marins, depuis les coquilles des escargots de mer (Dicathais orbita) qui créent un biofilm pour du biofouling (encrassement biologique) de surface jusqu’aux denticules de la peau de requin que l’entreprise américaine Sharklet a répliquée pour obtenir une surface antibactérienne qu’ils collent sur les poignées de portes dans les hôpitaux !
Dans la catégorie des substituts aux dérivés des hydrocarbures, ce qu’a inventé l’entreprise Ecovative est assez remarquable : des champignons à la place du pétrole ! Faites pousser du mycélium dans un moule jusqu’à obtenir une certaine densité et vous aurez un matériau aux qualités comparables au polystyrène, mais naturel, biocompatible et biodégradable !
Si vous voulez imaginer un carton plié réutilisable, pensez à renforcer les zones de pliages à la façon des ailes de coléoptères qui disposent d’une couche de résiline dans certaines articulations mobiles pour en augmenter l’élasticité et réduire les dommages.
Si vous aviez besoin d’un matériau ultra résistant, souple, antibactérien, biocompatible, léger, substitut au plastique, vegan, ou encore résistant aux moisissures, aux odeurs et aux écarts de température … alors pensez à emballer vos produits avec de la soie d’araignée ! Et pour cela regardez l’entreprise AmSilk qui a réussi à synthétiser la protéine de la soie d’araignée pour en tirer un incroyable nouveau matériau multifonctionnel.
Si vous vous servez de verre pour emballer, pensez à le micro-fissurer à la façon des nacres de coquilles d’ormeaux, vous le rendrez plus résistant en rendant le cheminement de la fissure plus tortueux.
Pour assembler les matières vous pourrez sans doute vous inspirer de la fleur de bardane (effet scratch), du byssus de moule ou encore de la patte de gecko (effet Van Der Waals que Stanford a enfin réussi à répliquer). Pour rendre la surface hyper-hydrophobe, le scarabée du désert de Namib ou l’effet lotus vous mettront sur la voie.
A une autre échelle, réduire l’emballage peut aussi passer par le retour aux produits de saison et aux circuits courts, deux autres grandes règles du vivant qui peuvent permettre d’avoir moins besoin de protéger et de faire durer et voyager.
Associé à l’écoconception et à l’analyse de cycle de vie, le biomimétisme ouvre des voies et des perspectives, adaptées aux enjeux posés, mais avec une interrogation constante : comment la nature a-t-elle déjà fait à ma place pour résoudre mon problème d’emballage ?
Extrait de la revue n° 649 - Juin 2020. Reproduction interdite sauf accord écrit d'Emballage Digest ou mention du support