Perturbateurs endocriniens : quels emballages sont vraiment concernés ? - Par le Dr. Gregory Lemkine, PDG du Laboratoire Watchfrog S.A.
31 mars 21 | la parole Ă : | #2930 :: rss
Les substituts sont-ils plus sûrs ? La Commission européenne a publié, en octobre dernier, sa stratégie pour la maitrise des substances chimiques. Les substances suspectées d’agir comme perturbateurs endocriniens, qui peuvent entrer dans la fabrication des emballages et notamment dans le cadre du contact alimentaire ou des dispositifs médicaux, sont dans le viseur de la Commission.
A l’échelle nationale, en novembre 2018, l'amendement de la loi EGALIM ayant pour ambition de supprimer le plastique de nos cantines d'ici 2025 a été adopté par un vote à l'unanimité. Ce vote était motivé par la préoccupation environnementale mais également par l’inquiétude autour des effets sur la santé des substances pouvant migrer depuis les contenants. Cette inquiétude des parlementaires était nourrie par l’éventualité que certaines de ces substances puissent agir comme perturbateurs endocriniens.
Pourtant à ce jour, très peu de substances ont fait l’objet des évaluations nécessaires afin d’être classifiées comme perturbateur endocrinien. Ce manque cruel de données amène à certaines confusions et à des choix sans doute trop hâtifs.
1) Des critères règlementaires qui bousculent les principes toxicologiques
D’ordinaire, les évaluations règlementaires sur les substances chimiques reposent sur une évaluation du risque et donc une estimation de l’exposition. Ainsi, un emballage qui ne relarguerait aucune substance serait inerte. Or, les critères européens pour l’identification des perturbateurs endocriniens reposent exclusivement sur le danger, c’est-à -dire la capacité d’une substance à agir sur le système hormonal pour causer un effet néfaste. Peu importe que cette substance soit relarguée ou non. Ainsi, l’emballage inerte pourrait néanmoins contenir un perturbateur endocrinien et cet emballage se retrouverait proscrit.
2) Les substances suspectées ne sont pas forcément perturbatrices
Une substance est classée perturbatrice endocrinienne lorsque sa capacité à agir sur le système endocrinien aboutit à un effet physiologique néfaste sur un humain ou un animal. Cette démonstration fait nécessairement appel à un ensemble conséquent de données. La raison est que beaucoup de substances modulent notre système endocrinien sans pour autant occasionner d’effets indésirables. Notre système hormonal se « nourrit » de substances actives qui composent notre environnement endocrinien. Et il serait illusoire de penser que parce qu’une substance est «naturelle» et non synthétique, elle ne pourrait occasionner d’effet néfaste par le biais de mécanismes hormonaux. Ainsi, remplacer des substances suspectes par des substituts moins documentées, c’est courir le risque de remplacer une substance inoffensive par un perturbateur endocrinien.
3) S’engager dans une démarche vertueuse sans revendiquer l’impossible
Certains seront tentés de revendiquer le « sans perturbateur ». C’est antinomique avec la complexité du sujet et l’avancée que représente la prise en compte des critères physiologiques dans l’évaluation des substances. Comment garantir le « sans perturbateur » alors que très peu de substances ont été évaluées ? Que de nombreux mécanismes de perturbations sont encore inconnus ? Que des mélanges peuvent induire des effets endocriniens que les substances seules ne présentent pas ?
Pour sécuriser sa stratégie, un industriel peut aujourd’hui évaluer facilement son emballage pour savoir s’il libère une activité endocrinienne dans un simulant normé ou un contenu. Grâce aux savoir-faire de notre laboratoire partenaire IANESCO, expert dans les essais de migrations, il est possible d’échantillonner ce qui diffuse depuis l’emballage. Cet échantillon peut alors aisément être mis en contact avec des systèmes endocriniens in vitro pour mesurer la réponse physiologique face à cette exposition. Il est alors possible de choisir des emballages ne générant pas de réponse endocrinienne. Cette approche, associée à une identification des molécules relarguées, doit permettre de sécuriser au maximum un emballage.
Cette approche est actuellement employée dans le cadre du projet POLYSAFE, co-financé par l’Agence Nationale pour la Recherche et le Laboratoire Watchfrog afin d’évaluer le caractère endocrinien des ustensiles de cantines. Déjà retenue par les industriels du contact alimentaire, cette méthode d’évaluation est désormais facilement accessible aux industriels de l’emballage.
Extrait de la revue n° 656 - Mars 2021. Reproduction interdite sauf accord écrit d'Emballage Digest ou mention du support