Dispositifs de délivrance : la connectivité, premier moteur de développement
publié le vendredi 31 mai 2024
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Auto-injecteurs et inhalateurs connectés, piluliers électroniques, étiquettes intelligentes… Les dispositifs connectés révolutionnent les usages dans la santé. Ils sécurisent le suivi des pathologies chroniques à domicile, personnalisent la relation entre médecin et patient, aident à mieux organiser et coordonner les soins, en améliorant l’observance et l’efficience. Permettre d’authentifier l’utilisateur avant l’administration, voire le produit lui-même pour lutter contre la contrefaçon, sont d’autres avantages. Plébiscitée pour renforcer l’efficacité thérapeutique, la connectivité est devenue le premier moteur de développement des fabricants de dispositifs d’administration, tels que Bormioli Pharma, Schreiner Medipharm, Biocorp ou encore SHL Medical, en collaboration avec l’écosystème de la santé.
La connectivité conquiert peu à peu le secteur de la santé ! Selon un rapport récent du cabinet Modor Intelligence*, le marché mondial des dispositifs connectés d’administration de médicaments devrait dépasser les 5 milliards de dollars d’ici 2029, en croissance de plus de 35% par rapport à 2024. La pandémie a accéléré l’adoption de nouvelles pratiques telles que le suivi à distance des patients atteints de maladies chroniques. «Ces cinq dernières années, la connectivité a été le principal moteur
d’innovation de l’emballage pharmaceutique chez Bormioli Pharma», pointe Federico Piutti, son responsable de l’innovation. Cela s’est manifesté par la création d’un jumeau numérique de ses dispositifs d’administration pour étudier leur interaction avec l’électronique grand public et les équipements industriels. Le défi a été relevé grâce à sa plateforme d’innovation collaborative Invents, qui associe des partenaires externes tels que des accélérateurs, universités, start-ups et autres communautés d’Open Innovation (ou crowdsourcing).
Des prototypes inspirants et prometteurs
Bormioli Pharma a développé plusieurs prototypes innovants pour répondre à des besoins émergents de l’industrie pharmaceutique. Le premier, ID-Cap, intègre la reconnaissance biométrique dans un bouchon de flacons de médicament, pour vérifier l’identité de l’utilisateur par empreinte digitale avant l’ouverture d’une simple rotation. Cette fonctionnalité peut également être activée via une application smartphone dédiée, permettant un suivi à distance du traitement avec le médecin. Le deuxième prototype, MediClicker, est un système de flacon et de distributeur intelligent, qui peut être connecté à une application smartphone, pour gérer le dosage des pilules, libérer le nombre prédéfini à l’aide d’un bouton bien visible et d’une simple rotation mécanique du distributeur, et ainsi garantir l’observance. L’écran numérique renseigne sur la quantité précise de médicaments pris et restant dans le dispositif. Le troisième, Optimist, est un nébuliseur IoT pour médicaments ophtalmiques, qui révolutionne l’administration des gouttes, en empruntant le concept à la voie respiratoire. «Une fois le flacon inséré dans le compartiment supérieur, on règle l’administration via l’app dédiée. Reste à l’utilisateur à placer l’applicateur en silicone sur son œil (ou ses yeux) avant d’activer l’atomisation d’une simple pression sur le bouton», décrit Federico Piutti. Ces prototypes suscitent déjà un intérêt considérable, selon Bormioli Pharma. «Des discussions et projets sont en cours pour utiliser, adapter, voire transformer, certains de nos prototypes, qui constituent d’excellents points de départ pour initier le dialogue avec nos partenaires industriels, définir des cas d’usage concrets et des modèles commerciaux durables». Les dispositifs connectés de médicaments ont, selon lui, «le potentiel de transformer les soins de santé» en améliorant : l’efficacité thérapeutique, les essais cliniques grâce à l’exploitation de données en vie réelle, les gains d’efficience pour le système de santé (monitoring à domicile des patients chroniques) et l’accès aux soins grâce à la télémédecine. «Il reste néanmoins des défis à relever liés à la confidentialité des données et la réglementation pour y arriver», conclut Federico Piutti.
Des stylos ou auto-injecteurs intelligents grâce à la technologie RFID/NFC
De son côté, Schreiner Medipharm répond à la croissance du marché des dispositifs connectés tels que les stylos et auto-injecteurs, grâce à ses solutions d’étiquettes RFID ou NFC qui rendent les emballages intelligents et leur ajoutent des fonctionnalités avancées pour sécuriser l’administration. Cette offre est en phase avec l’évolution des pratiques constatées depuis la pandémie Covid, notamment «la généralisation du paiement sans contact, par carte bancaire, grâce à la technologie NFC», pointe Sebastien Muenscher, chef de produit pour les solutions RFID/NFC chez Schreiner MediPharm. Dans un processus sans contact et automatisé, le lecteur permet de lire les données de la puce RFID sur l’étiquette du médicament : code produit, dose, signature, … pour renforcer l’observance. Un exemple est l’étiquette NFC développée pour UnoPen™, le stylo jetable d’Ypsomed pour l’insuline et d’autres thérapies multidoses. «L’étiquette NFC sert d’interface de communication entre le stylo-injecteur et le module électronique SmartPilot™, explique-t-il. Elle permet notamment d’identifier et d’authentifier automatiquement le médicament, vérifier sa date de péremption, enregistrer la date et l’heure d’injection ainsi que la dose délivrée, ces informations étant transmises à l’application smartphone du patient via Bluetooth». Cette solution interactive guide également le patient dans l’auto-administration correcte de son stylo-injecteur, avec des alertes en cas d’erreurs de dosage ou de risque de double injection.
Les seringues préremplies connectées, un atout pour les essais cliniques
Biocorp figure parmi les pionniers de la e-santé pour proposer des solutions globales d’accompagnement en matière de bon usage et d’administration de molécules, notamment dans l’injectable. «Notre système Injay® permet d’apporter de la connectivité à des seringues préremplies, avec des coûts maîtrisés et un impact environnemental modéré», présente Arnaud Guillet, VP développement business de Biocorp, le spécialiste des devices connectés, basé à Issoire (Auvergne) qui a été repris par Novo Nordisk en 2023. «On peut l’utiliser pour mesurer et améliorer l’observance dans le cadre d’études cliniques (en moyenne, 30% à 50% des patients ne sont pas observants) ou dans le cadre de l’auto- administration à domicile de traitements biologiques (psoriasis, maladie de Crohn, sclérose en plaques, polyarthrite rhumatoïde…)». Le fonctionnement d’Injay® est très simple : une puce NFC située dans la tige de piston de la seringue pour enregistrer des informations sur le produit, un activateur pour détecter qu’une injection a été effectuée et une lecture NFC via le smartphone pour l’horodatage…. «La traçabilité des informations sera un enjeu majeur dans le cadre de stratégies multicanales d’accompagnement, indique-t-il. C’est en fonction des profils de patients et de leur tendance à être observant que l’on pourra pousser des services personnalisés pour renforcer l’efficacité du traitement».
Quand la NFC est aussi une arme anti-contrefaçon
A l’avenir, Schreiner Medipharm envisage un avenir prometteur à la technologie NFC, intégrée sur les étiquettes de stylos ou auto-injecteurs, pour les connecter à des appli mobiles. L’opportunité de fournir des informations complémentaires aux patients et aux médecins : accès à un site web d’informations, tutos vidéo pour le bon usage, etc. «Le patient peut aussi suivre son traitement sur un journal de bord et le partager avec son médecin pour faciliter l’adaptation de la posologie», précise Sebastien Muenscher. Mais ce n’est pas tout : «l’étiquette NFC peut aussi fournir une indication numérique de première ouverture et authentifier le styloou l’auto-injecteur», ajoute-t-il. C’est le cas de l’étiquette NFC qui s’enroule autour d’un auto-injecteur (y compris sur le capuchon) pour être lue à l’aide d’un smartphone. «Avant une première utilisation, le patient peut ainsi s’assurer d’avoir en main le dispositif original, en recevant la confirmation sur l’écran», indique-t-il. De plus, grâce à une application de géolocalisation, les laboratoires pharmaceutiques peuvent détecter et cartographier les potentielles attaques de corruption et/ou activités non déclarées (marchés gris) pour sécuriser leurs circuits de distribution.