Echantillons et monodoses : entre croissance et défis environnementaux
publié le samedi 31 août 2024
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Le marché des produits au format mini se porte bien. Parmi les tendances principales animant le marché et les acteurs du secteur, on remarque des contenances qui augmentent, et un gros travail autour du mono-matériau – en attendant que les centres de tri harmonisent leurs pratiques.
Selon une étude de l’agence Transparency Market Research, le marché mondial multi-industries pour les doses uniques a été estimé à 66,2 milliards de dollars en 2022, et devrait dépasser les 112 milliards d’ici 2031 (+6,8% en taux de croissance annuel composé). Les échantillons et mono-doses ont donc encore de beaux jours devant eux, bien que la directive européenne SUP (Single Use Plastic) tente de limiter leur distribution en stipulant, par un dernier décret du 23 avril 2024, qu’il est désormais interdit de fournir au consommateur un échantillon sans demande de sa part. Une restriction qui laisse dubitatifs les acteurs du secteur, y compris les marques, qui adoptent différentes stratégies. «Nous voyons deux tendances actuellement au niveau des produits : des échantillons mignons mais minimalistes en vue d’une distribution massive, ou des échantillons à valeur ajoutée (couleurs, applicateurs…) dans l’idée de donner envie aux consommateurs de les demander», résume Aude de Livonnière, présidente de l’entreprise Livcer, qui fabrique des échantillons ou mono-doses de cosmétiques (une forme ronde tendance) et maquillages (dont des poudres compactées ou libres). En parallèle, le «digital sampling», un mode de distribution des échantillons plus ciblé, prend de l’ampleur. Sur cette thématique des échantillons, «on note à la fois de vrais enjeux environnementaux, et aussi de vraies raisons d’exister car le recrutement et l’expérience client se font par ce biais-là. On sent que le marché est globalement dynamique. La tendance du marché est asymétrique à celle des produits ventes : les échantillons circulent lors de période de lancements, ou quand un ralentissement se fait sentir car les marques relancent les campagnes d’échantillonnage sur les produits existants», constate Vincent Joffre, directeur commercial de CEP Cosmétique, fabricant de petits tubes et mascaras, qui affiche une croissance de 8 à 10% par an.
Augmentation des contenances
Chez Albéa, qui produit des tubes échantillons en plastique, Caroline Hughes, responsable marketing Tubes, recense de plus en plus de demandes pour «des produits à la «juste dose», par exemple pour de la crème solaire ou pour des produits en cure, dans un souci d’économie de formule et de non-gaspillage». Aux cotés des échantillons et mono-doses, d’une contenance moyenne de 2 à 4 ml, les mini-produits (7 à 10 ml le plus souvent) sont en plein développement. Ils sont très appréciés de la génération Y qui teste ainsi des produits à moindre coût, en mode nomade. On retrouve également ce format dans les calendriers de l’Avent, en croissance. En outre, les formats voyage de 10 à 20 ml se développent fortement, comme en témoigne l’augmentation des ventes au détail en aéroport. «Les mini-produits arrivent en tête de gondole chez les revendeurs, sous la pression de la baisse du pouvoir d’achat», résume Vincent Joffre. Autre tendance liée à la croissance du e-commerce : « les échantillons dans les colis sont d’une contenance supérieure, dans l’idée de poursuivre l’expérience client plus longtemps. En général, un mini-tube oscille entre 7 et 10 ml : dans un colis, c’est plutôt entre 10 et 15 ml», ajoute-t-il. L’expérience client justement est de plus en plus prise en compte. Un design et une gestuelle identiques au produit de vente induisent souvent un taux de transformation important vers la vente. Cela se traduit dans le design des formats échantillon, dotés de bouchons, d’applicateurs ou encore de canules, et globalement plus premium.
Fin 2024, Livcer dévoilera par exemple un nouvel échantillon innovant pour les rouges à lèvres offrant une gestuelle identique à celle d’un produit vente. «Nous étoffons notre gamme de mini-sprays avec une solution de col à visser sur un flacon en verre rechargeable dans un étui s’inspirant du rouge à lèvres, et avons adapté une de nos pompes «masstige» historique dans un format nomade», révèle Saveria Guelfucci, responsable marketing pour les solutions clés en main d’Aptar EMEA. Le groupe fabrique notamment des mini-sprays en plastique et en verre. Une décoration premium (marquage à chaud, par exemple) se rapproche aussi du produit vente. Cela dit, en majorité, la décoration des échantillons reste minimaliste, «épurée, en teinté masse (pour la jupe d’un tube) ou basée sur une impression en flexographie ou sérigraphie pour les détails. C’est mieux aussi dans l’optique d’un recyclage», rappelle Vincent Joffre.
Les centres de tri s’adaptent lentement
Tous ces produits au format mini constituent un gisement potentiel de matière qui contribue à l’évolution des systèmes de tri des petits packagings. «Si en Allemagne les échantillons sont bien collectés, ils ne le sont pas partout en France ! Néanmoins, nous nous devons de proposer des solutions pour le futur. Notre objectif est de faire rentrer les échantillons dans une démarche responsable, en mettant l’accent sur la réduction de matière et sur un design permettant le recyclage, car les centres de tri vont devoir évoluer », analyse Caroline Hughes. Différentes problématiques se cumulent. D’abord, les consommateurs trient peu les échantillons. Ensuite, « sur les chaînes de tri, ces emballages doivent être en monomatière sinon ils deviennent pertubateurs lorsqu’ils sont détectés par infrarouge. Et le criblage admet une taille d’emballage : les petits passent souvent à la trappe. Mais les filières s’améliorent », assure Vincent Joffre. « Nous sommes en contact avec des organisations de recycleurs pour évaluer la recyclabilité de nos emballages et supporter nos clients sur les revendications. Par exemple, le verre n’est pas soumis à une contrainte de taille pour le tri, et un échantillon en verre doté d’une pompe est donc compatible avec la filière verre, en atteignant une recyclabilité supérieure à 70%», remarque Saveria Guelfucci.
Viser la monomatière et l’intégration de recyclé
Afin de favoriser la recyclabilité de ces petits formats, Albéa promeut le «Design for Recycling» et s’applique à rendre les échantillons monomatière PE en travaillant sur les composants. En effet, le passage du PP au PE «n’est pas aussi aisé qu’il y parait, car tous les moules n’ont pas été conçus pour fonctionner avec les deux matières. D’autre part, le passage en monomatière implique un matériau PE plus flexible, plus sensible, notamment à la rayure», souligne Caroline Hughes. Albéa est actuellement en mesure d’intégrer de la matière recyclée – jusqu’à 52% dans un tube complet standard. L’utilisation de matière recyclée est gérée de manière centrale pour tout le groupe : le choix a été fait de n’utiliser que des sources de PCR avec une « Lettre de non-objection» de la FDA. La société CEP Cosmétique a elle aussi développé une gamme de mini-tubes en monomatière PE (coextrusion et injection). «Nous travaillons également l’intégration de matière recyclée. Cela nécessite un gros sourcing et de la qualification en amont afin de trouver une source de matière recyclée mécanique fiable et robuste. Les aspects fonctionnels et esthétiques sont importants par rapport à ce type de matières : qualité impression, couple de vissage équivalent au produit sans PCR, étanchéité suffisante sans impact sur la soudure… Nous devons en outre utiliser du PE ou du PP recyclé garantissant une plage de variation de couleur acceptable, dans le cas d’une production de tubes blancs par exemple. Le recyclé chimique est une alternative pour le marché prestige. Nous sommes en capacité de proposer une solution certifiée ISCC», indique Vincent Joffre. Chez Livcer, la dernière nouveauté est la dose R100, thermoformée et en 100% PE. «Sa compatibilité est excellente : cette dose convient à toutes les formules liquides, aux fonds de teint, aux crèmes et aux huiles», assure Aude de Livonnière. La société intègre aussi des matières recyclées à ses échantillons : «la majorité de nos complexes contiennent 50% de PCR PET, qui ne présentent aucune différence avec les complexes non recyclés. Nous proposons des complexes en matière recyclée jusqu’à 80%, mais ceux-ci peuvent présenter une légère variation de couleur», ajoute-t-elle. Quant au groupe Aptar, il incite ses clients à «basculer sur des composants intégrant des résines recyclées, avec différents grades de PCR. Nous avons bien avancé sur des solutions de mini-sprayers avec du PCR PP ou PCR PET à hauteur maximum recommandée de 30% (sur le flacon), afin d’assurer la stabilité des parfums dans le temps», détaille Saveria Guelfucci.
Des mini-tubes fusionnant tête et bouchon
Concevoir un emballage monomatière est bien sûr plus complexe sur des produits multi-matériaux, comme les mini-mascaras. «Sur ces produits, nous nous orientons plutôt sur du PP avec lequel nous avons de meilleurs résultats de compatibilité. Il faudrait développer un tube en PP, mais il est plus habituel de décorer du PE, et les couches soudantes des produits extrudés sont le plus souvent en PE car le point de fusion est meilleur. Il est donc nécessaire de trouver le bon grade de PP, ayant une bonne qualité de soudure. Les brosses, que les marques nous fournissent, sont de plus en plus en SEBS, un matériau acceptable dans la filière polyoléfine», note Vincent Joffre. La réduction du poids de ces petits emballages reste une piste encore explorée. Albéa estime que le meilleur résultat est obtenu avec un système EcoTop, fusion de la tête et du bouchon. «Nous avons agrandi notre gamme et avons aujourd’hui une solution pour le format échantillon, baptisé EcoLittle Top. Cela permet une réduction de poids de 47% sur le tube complet. Nous travaillons aussi sur des solutions pour continuer à réduire le poids du tube complet, notamment en diminuant l’épaisseur de la jupe», indique Caroline Hughes. Autre atout : l’EcoLittle Top peut s’ouvrir d’un doigt, une praticité que les consommateurs apprécient pour une expérience client proche du produit original.
Le papier exploité sous de nouvelles formes
Aptar Beauty se diversifie à la suite du rachat en 2023 de la société iD Scent, spécialisée dans les supports promotionnels parfumés en papier. Le groupe comptait déjà dans son portfolio le spray plat Imagin, composé à 70% de papier – mais aussi d’une petite poche en aluminium pour préserver le jus. Avec iD Scent, les solutions sont intégralement en papier. Le processus est basé sur la micro-encapsulation, qui assure une senteur pérenne dans le temps. L’objectif d’Aptar est aujourd’hui de déployer de nouveaux formats. «Nous pouvons travailler plusieurs formes, pour une reconnaissance immédiate de la marque. Nous venons de lancer Scents Tem, une touche parfumée pour les points de vente – l’équivalent d’une mouillette mais dont l’odeur persiste pendant une année. Cela limite l’utilisation de certains testeurs, et évite la multiplication des odeurs sur le point de vente», remarque Saveria Guelfucci. Livcer explore la mono-dose en papier thermoformé, composé de plus de 80% de papier, mais «nous continuons de chercher des solutions car la barrière de cet emballage n’est pas excellente », précise Aude de Livonnière. En revanche, cette solution convient bien aux formules anhydres, comme le rouge à lèvre ou le fond de teint coulé à chaud. Quant à la société CEP Cosmétique, elle est engagée dans un projet de mini-produits à base de cellulose… à suivre.