Décoration : de la diversité et des alternatives plus durables
posted Wednesday 26 April 2023
Abonnez-vous à la revue pour lire la suite de l'article
s'abonner
Les fournisseurs doivent répondre aux besoins d’animation des gammes demandés par
les marques, et investissent majoritairement en Europe pour augmenter leur capacité « locales » et raccourcir les délais de mise sur le marché. Ils continuent de travailler sur
des alternatives plus respectueuses de l’environnement dans la production des décors
et leur application.
Certaines marques du luxe restent sur des décors classiques et jouent sur les matériaux eux-mêmes, quand d’autres osent plus de fantaisies. «On note un peu plus de demandes pour des vernis mat, des effets «toucher» avec des vernis UV soft, soyeux, doux. Les aspects «bruts» – béton, pierre – semblent revenir. Les effets métalliques avec de grosses paillettes sont appréciés pour un rendu plus brillant et blanc. Nous sommes aussi interrogés sur des rendus métalliques sans aluminium, car celui-ci peut perturber le tri au moment du recyclage. On utilise alors des pigments à effet : leur enrobage donne une impression d’aspect métallique. Mais toutes les couleurs ne sont pas possibles pour l’instant», précise Eric Pertus, président d’Altus Coating. Si les demandes des marques sont variées, la constante reste la volonté d’animer leurs gammes, avec des déclinaisons d’un produit en cours de vie ou en lancement. «Nous explorons l’impression digitale avec texturation en 2,5D, par couleur, par zone. Le laser permet d’obtenir divers effets, comme de la gravure sur aluminium avant anodisation. On l’utilise aussi pour décaper des zones laquéesou métallisées sous vide. Ce qui est nouveau, c’est que les marques s’offrent ces techniques, assez coûteuses, pour leur séries limitées», remarque Reynald Trochel, directeur de l’innovation d’Axilone. La société dispose de multiples techniques de décoration à destination des emballages en aluminium ou en plastique : laquage, sputtering, double anodisation, sérigraphie, laser, marquage à chaud, impression numérique…
Chez Digital Packaging, Olivier Démétriadis, directeur associé de l’entreprise, constate une tendance à la simplification, passant par une mise en valeur de la matière avec un embossage– plutôt que du vernis. «De façon générale, les rendus me semblent plus satinés, naturels, moins brillants. La dorure à chaud reste toutefois assez présente : les fournisseurs de films ont d’ailleurs beaucoup progressé dans la composition des dorures, avec des films très fins et un support recyclable», assure-t-il. L’entreprise dispose de techniques d’impression numériqueet traditionnelles, comme l’offset, la flexographie, la dépose de dorure à chaud, ou encore l’embossage, le débossage et le foulage par outillage. «Au niveau industriel, on voit une forte progression du numérique. Nous travaillons avec HP Indigo : nos machines en petit format assurent le même rendu que celles des imprimeurs industriels. L’impression numérique peut répondre aussi qualitativement que les techniques conventionnelles – à part sur les encres métallisées. La personnalisation n’a pas encore pris sur le marché, pour des raisons de coûts. On pourrait pourtant réaliser de la variabilité assez simplement», indique-t-il. Digital Packaging vient d’investir dans la dernière génération de presse HP Indigo (le modèle 6K), justement pour se mettre en conformité par rapport aux machines utilisées par les imprimeurs industriels.
Le marquage à chaud à couverture intégrale, alternative à la métallisation
Le groupe Quadpack a inauguré en 2022 un nouveau centre de décoration dans son usine de Kierspe, au nord de l’Allemagne, dans le but d’être plus autonome en termes d’offre de décoration et de réduire les délais en Europe. Un million d’euros a été investi dans une nouvelle installation de 900 m2 disposant de cinq lignes de décor de haute capacité et 11 machines d’assemblage. De nouvelles acquisitions sont prévues dans les prochains mois pour atteindre un total de dix lignes de décor et 14 machines d’assemblage. L’offre recense diverses techniques : laser, marquage à chaud, sérigraphie, métallisation, laquage, tampographie… Fin 2021, l’entreprise a racheté le spécialiste de la décoration Stefan Wicklein Kunststoffveredelung, au sud de l’Allemagne, se dotant ainsi d’une compétence rare : le marquage à chaud à couverture intégrale. Cette technique consiste à couvrir les composants (principalement cylindriques ou concaves) d’un emballage d’une finition brillante et premium grâce à l’application d’une feuille couvrant l’intégralité de la pièce concernée. Exempte de solvants, cette technique apparaît comme une alternative à la métallisation. «Un film multicouches, éventuellement déjà imprimé, est appliqué à chaud sur l’emballage. Il est possible de le personnaliser avec des effets brossés, brillants, de l’embossage, du texte… c’est flexible. Cette technique est peu répandue car compliquée : l’équipement est spécifique, le film doit parfaitement épouser la forme de la pièce, et le personnel doit être formé pour utiliser les machines», souligne Fabrice Revert, directeur des opérations pour Quadpack. Par rapport à une métallisation classique, la technologie nécessite moins d’énergie, est plus compétitive au niveau du coût, et agile car facilement transférable d’une usine à une autre. D’ici fin 2023, Quadpack comptera sept lignes de marquage à chaud à couverture intégrale. Aux Etats-Unis, le groupe projette par ailleurs d’investir avec des partenaires en 2023 pour développer la production en injection et en décoration.
Adopter plus de substances à base d’eau pour réduire les solvants
En matière de développement durable, le décor est un challenge car il peut perturber le recyclage, à l’instar d’une métallisation sous vide complète. Quadpack travaille sur des encres spécifiques biodégradables (en test sur la sérigraphie) et développe un processus permettant de recycler le film support utilisé pour le marquage à chaud à couverture intégrale. «Diminuer l’impact environnemental des décors passe par la phase amont, lors de la production du décor et son application. Supprimer ou diminuer les solvants est une piste, avec des process à base d’eau ou des produits à haut extrait sec (HES). Pour l’anodisation sur aluminium, la suppression des sels de nickel comme catalyseur est effective en Europe depuis plusieurs années, et en cours en Chine. Nous adaptons les réglages de la ligne pour pouvoir fonctionner sans ce catalyseur. Autre piste lors de l’étape de coloration : le recyclage et la réutilisation de l’eau utilisée pour la coloration. Nous réduisons ainsi notre consommation globale», décrit Reynald Trochel (Axilone). Le groupe investit actuellement dans des lignes de process à base d’eau pour le laquage, le vernissage et la métallisation. Ces dernières années, l’entité Axilone Chine s’est dotée d’équipements pour accroître sa capacité en impression digitale et en décor laser. En 2022, l’entreprise a racheté un atelier de décor à proximité de son site espagnol Axilone Metal. De son côté, Altus Coating travaille également beaucoup sur les vernis HES, contenant moins de solvants et générant moins de COV. Elle utilise en outre des vernis contenant 10 à 20% de substances biosourcées, issues de la revalorisation des déchets de l’industrie agro-alimentaire européenne. «Nous misons sur les vernis UV LED : en adoptant un séchage à LED au lieu d’une lampe UV classique fonctionnant au mercure, nous consommons moins d’énergie. Ces lampes LED sont aussi plus durables et plus faciles à recycler. Elles sont déjà beaucoup utilisées en sérigraphie, avec les encres, mais sur des vernis incolores, brillants ou mats, cela s’avère plus compliqué. En effet, les vernis doivent sécher en surface, et les lampes LED sèchent plutôt en profondeur. Mais la technique évolue», remarque Eric Pertus. La société teste en outre des primaires d’accrochage à base d’eau. «Nous devons réaliser un gros travail de veille réglementaire pour nous assurer que les matériaux chimiques utilisés soient bien conformes. En Europe, cela est régit par le règlement Reach. Mais les grandes marques de la cosmétique surveillent de plus en plus la Proposition 65 de Californie, listant plus de 800 substances chimiques estimées «à risque». Cela rajoute de la contrainte», souligne-t-il. L’entreprise pourrait s’équiper de nouveaux procédés pour réaliser de la métallisation sous vide, dans l’idée de travailler sur des couleurs différentes et homogènes.
Adapter la décoration aux matériaux ou à l’usage du pack
La tendance aux matériaux recyclés ou à la rechargeabilité implique aussi d’adapter les revêtements. «Décorer des matières recyclées est plus délicat, on peut rencontrer des problèmes de mouillage, d’adhérence. On passe alors par des traitements de surface de type plasma ou flammage pour mieux fonctionnaliser ces surfaces», explique Eric Pertus. Quant aux emballages rechargeables, ils nécessitent des décorations résistantes. Il s’agit alors de renforcer les laques, les vernis, les anodisations… «Assurer une anodisation résistante est un gros challenge. L’anodisation dite «dure» existe depuis longtemps sur des pièces techniques, mais nécessite des installations particulières et procure un rendu esthétique moindre, en termes de gammes de couleurs, de brillance, de tendu de couleur…», constate Reynald Trochel. Axilone travaille autour de ses process actuels pour proposer une anodisation offrant des résistances et rendus intermédiaires, et explore par ailleurs d’autres types de décors et de technologies dans des segments différents de la cosmétique, pour éventuellement créer des synergies.