L’emballage bois résiste aux tempêtes réglementaires
posted Friday 19 January 2024
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Pour évoquer les dernières actualités du secteur des emballages bois légers et des palettes bois, Emballage Digest vous dévoile l’interview croisée d’Olivier de Lagausie, délégué général du syndicat national des industriels de l’emballage léger en bois (SIEL-GROW) et Jean-Philippe Gaussorgues, vice-président de la FNB-SYPAL et président d’EPAL France.
Comment se portent les marchés de l’emballage bois léger et de la palette bois en France ?
Jean-Philippe Gaussorgues : Le marché de la palette bois reste stable en volume, à 139 millions de palettes neuves et reconditionnées vendues en 2022. Le chiffre d’affaires embarqué atteint les 2,410 Mrds d’euros, toutes activités confondues, en hausse de 34% par rapport à 2020 principalement due à l’inflation des matières premières. Pour rappel, le bois représente 70 à 75% du prix de la palette. Le mouvement est donc mécanique. Côté entreprises, le marché poursuit sa concentration. De 645 sociétés en 2019, l’on dénombrait en 2022 plus que 504 acteurs, avec encore une grande disparité des profils, que ce soit en fabrication de palettes neuves ou en réparation et reconditionnement de palettes.
Olivier de Lagausie : Nous allons très prochainement publier nos résultats chiffrés 2022. Dans les grandes lignes, entre 2019 et 2022, les gros emballages bois (fruits & légumes, plateaux fromages, etc.) ont enregistré une progression intéressante. Pour les plus petits formats dédiés aux métiers de bouche, par exemple, la tendance a été moins favorable, nos emballages ayant subi une campagne de dénigrement non justifiée quant à leur absence de recyclabilité en fin de vie. Ceci est paradoxal dans la mesure où le bilan environnemental de ces emballages est excellent. Nous avons donc mis toute notre énergie ces deux dernières années pour remettre les pendules à l’heure.
Quelles actions avez-vous dû mettre en place pour « redorer » le blason de l’emballage bois léger ?
Olivier de Lagausie : En 2021, le point vert de l’emballage bois avait atteint des sommets astronomiques à 41,6 centimes le kilo. Malgré le faible poids de nos solutions bois, ce taux était très pénalisant pour les producteurs d’autant plus qu’il était indiqué comme non recyclable par Citeo. De ce fait, les distributeurs nous classaient souvent sur leur liste rouge. A la demande du Ministère de l’écologie, l’Ademe, Citeo et un cabinet extérieur ont été mandatés pour réaliser une étude des fins de vie comparées de l’emballage bois à destination des ménages : celle-ci a démontré tout l’intérêt et la légitimité du refus de tri en centre de tri. En effet, tant d’un point de vue écologique qu’économique, cette solution s’avère optimale car les investissements pour équiper les centres auraient été disproportionnés au regard du faible gisement de bois collecté en France (25 000 tonnes). Sont ainsi préconisés une valorisation énergétique de ces déchets, leur incinération ou même leur enfouissement puisque le bois est naturel et non traité. La dernière voie ne nous semble pas souhaitable pour autant.
Ainsi, l’étude – avec ACV comparée – livrée au Ministère en 2022 a finalement permis la révision du tarif de l’écocontribution de l’emballage bois, à la baisse de 45% par rapport à 2021 pour atteindre désormais les 20,19 centimes le kilo. En parallèle, a été adoptée l’exemption de recyclage pour les emballages bois, effective depuis le 01 janvier 2024 en conséquence du nouveau cahier des charges 2024 des éco-organismes publié en décembre 2023. Nous continuons à communiquer auprès des fédérations et syndicats de la grande distribution afin de les rassurer à nouveau sur l’usage et la fin de vie des emballages bois. Côté consommateurs, cela ne change rien : nos produits doivent continuer à être jetés dans la poubelle jaune.
Avez-vous également travaillé sur l’ACV de la palette bois ?
Jean-Philippe Gaussorgues : La dernière en date remontait à 2012. Il était donc temps de la mettre à jour. Elle sera dévoilée en ce début d’année. Les résultats restent stables par rapport à la dernière version. La palette bois présente un très bon bilan, puisque le bois capte du carbone. Les postes les plus énergivores restent son transport par camion – 90% des palettes neuves sont vendues à moins de 300 km de leur lieu de production – et dans sa fabrication, l’énergie utilisée par les séchoirs et le traitement NIMP15. Le gaz et le fioul sont d’ailleurs progressivement remplacés par des chaudières biomasse faciles à alimenter en bois.
Quelles sont vos attentes et craintes par rapport à la future REP Emballages Industriels et Commerciaux qui doit être effective au 1er janvier 2025 ?
Jean-Philippe Gaussorgues : Sur les 7 MT que représentent les emballages industriels et commerciaux mis sur le marché, le bois représente un gisement de 2 MT. L’enjeu de cette REP est donc stratégique. Encore faut-il rappeler que nous n’avons pas attendu cette REP pour faire avec nos palettes du réemploi et du recyclage. Nous craignons que cela déstabilise des modèles existants déjà bien rodés et performants, où les acteurs sont 100% autonomes. Raison pour laquelle nous réclamons une REP financière et non opérationnelle.
Vous restez également vigilants et actifs au niveau européen face à l’arrivée du PPWR, me semble-t-il ?
Olivier de Lagausie : En effet, si en France la situation est donc résolue, il n’en est rien au niveau européen. L’élaboration en cours du PPWR nous avait même fait revenir en arrière sur certains points. Il a fallu donc repartir à la charge. Le texte prévoit ainsi qu’en 2030, tous les emballages qui n’ont pas de filière de recyclage soient interdits. En ce sens, ce dernier est critiquable car il ne prend en compte ni la spécificité de chaque matériau et emballage, ni la situation réelle des marchés. Quant à la partie recyclage, le règlement introduit trois notions : il devient obligatoire, doit être fait à grande échelle et être de haute qualité, c’est-à-dire en boucle fermée. C’est une définition qui ne convient ni au carton ni au bois. L’emballage léger en bois est, par essence, un emballage mono rotation qui ne sera pas retransformé en autre emballage bois après son recyclage mais plutôt en panneau de particules, un produit très recherché.
Autre point qui nous pose souci : la volet énergétique. Le PPWR a été rédigé en pensant aux plastiques puisqu’il demande de préserver les matières premières afin de ne pas détruire la matière qui le compose. C’est parfaitement justifié quand la ressource n’est pas renouvelable, ce qui n’est pas le cas du bois. L’emballage bois usagé représente une ressource importante, pure car non traitée, pour alimenter les chaufferies à la recherche de bois de classe A, la plus qualitative, dont le ratio énergétique est intéressant. Le positionnement de notre filière est cohérent avec les politiques énergétiques de l’UE.
Au vu de ces éléments, nous avons demandé une exemption de l’article 6 pour le bois. Celle-ci a été votée par le Parlement européen, puis par le Conseil de l’Europe en décembre dernier, ce qui lui a valu le nom d’«amendement camembert» dans les médias.
Jean-Philippe Gaussorgues : Pour compléter, il reste aussi la question de l’articulation de ce futur règlement PPWR avec la loi AGEC. De nombreuses contradictions sont déjà pointées du doigt. Pour n’en citer qu’une, l’exemple du taux de réemploi des emballages pour lequel la loi AGEC va plus loin et impose des taux selon le chiffre d’affaires des entreprises, ce qui n’est pas le cas du PPWR.
Quels sont les autres sujets que vous suivrez avec attention ou mènerez en 2024 ?
Olivier de Lagausie : La notion de réemploi va poser d’autres questionnements. Si les palettes bois sont très bien réutilisées avec entre autres des systèmes de location, les emballages légers en bois doivent répondre aux exigences de contact alimentaire. De ce fait, il peut y avoir contradiction entre les obligations d’hygiène & sécurité et les obligations environnementales. Cependant, une économie du réemploi existe pour les emballages bois dédiés aux fruits et légumes à peaux ou à coques, où des entreprises les remettent en état et les revendent à moindre prix. Si cette filière est déjà opérationnelle, elle n’a cependant pas été précisément quantifiée, une étude à venir en 2024 va s’y atteler. Par ailleurs, cette année, nous veillerons à la future révision du règlement européen sur le contact alimentaire, mais aussi à la révision de la fiche bois de la DGCCRF et pour l’amont matière, à la mise à jour du règlement RBUE sur la ressource forestière.
Jean-Philippe Gaussorgues : Nous menons au SYPAL plusieurs projets de front sur le plan industriel. L’un d’entre eux concerne l’amélioration de la performance industrielle de nos adhérents. Celle-ci passe notamment par l’automatisation du contrôle des palettes et la mise au point d’un outil combinant caméras et intelligence artificielle. Il sera disponible à un prix abordable pour les PME/ETI et permettra de pallier le manque d’opérateurs sur les lignes de production.
L’autre grand dossier en cours concerne l’optimisation du traitement NIMP15 des palettes. En lieu et place du traitement thermique classique, l’ITFC développe actuellement un procédé microondes capable de traiter et sécher plus rapidement les palettes et de consommer moins d’énergie. Des études menées par la FCBA et le CRITT Bois sont en cours. La prochaine étape sera de faire homologuer cette technique par l’ANSES.
Enfin, l’autre grand enjeu de notre filière est d’optimiser la qualité des dés en bois moulé pour palettes fabriqués en France et dont le marché ne cesse de progresser. Le bois aggloméré séduit de plus en plus, de par sa résistance et tolérance dimensionnelle. Depuis 2022, plus de 30 lignes de fabrication sont en projet en Europe pour une production totale estimée à 1,9 milliards de m3, la France représentant 10,8% de parts de marché.