Les plastiques se font plus circulaires malgré une production européenne en berne
posted Sunday 31 March 2024
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C’est en synthèse les conclusions tirées par le dernier rapport bisannuel « The Circular Economy of Plastics: A European Analysis »* publié par Plastics Europe le 19 mars dernier. En effet, si la production de plastiques recyclés enregistre une belle croissance, le marché européen n’en continue pas moins de perdre en compétitivité. Sont pointés du doigt un cadre réglementaire inadapté et une collecte sélective insuffisamment développée.
Principal enseignement du rapport, en Europe, la production de recyclé post-consommation a enregistré une croissance de 57,1% en quatre ans (de 4,9 à 7,7 Mt entre 2018 et 2022), malgré une production de matières plastiques en retrait de 5,6%.
En parallèle, l’incorporation de recyclé post-consommation dans tous les secteurs, a enregistré une augmentation de 70%pour atteindre une moyenne de 12,6% de matières plastiques incorporées dans les produits, soit 6,8 Mt (même période). L’agriculture (37,5%) et le BTP (22,7%) sont, à ce sujet, les industries les plus actives, suivi d’une moindre de mesure de l’emballage (9,7%). A noter par ailleurs, que sur la même période, l’ensemble des plastiques circulaires (recyclé post et pré-consommation + biosourcé + capture de carbone) a représenté 19,2% des matières plastiques utilisées en Europe. «Si nous poursuivons sur cette même dynamique, il sera possible d’atteindre l’objectif de la Circular Plastics Alliance d’incorporer 10 Mt de plastiques recyclés en 2025», projette Jean-Yves Daclin, directeur général de Plastics Europe France.
A titre de comparaison, avec un taux moyen d’incorporation de plastiques recyclés de 12,3%, l’Hexagone atteint des performances similaires à celles de l’Europe. Cette progression (+87,5%) en France est d’ailleurs plus importante que les 70% comptabilisés pour l’Europe. Au total, les volumes incorporés ont presque doublé en quatre ans passant de 328 kt en 2018 à 615 kt en 2022. Dans certains segments (emballage (10,3%), automobile (6,6%), équipements de la maison et EE&E (7,7%)), cette valeur est même supérieure.
La collecte reste un enjeu crucial
Que ce soit pour les déchets post-consommation au global ou pour les seuls déchets d’emballage, les volumes collectés séparément ont été pour la première fois supérieurs à ceux collectés en mélange. Conséquence : pour la première fois aussi, le taux de recyclage (26,9%) des plastiques a enfin dépassé celui de leur mise en décharge (25%) en Europe. A l’opposé, en France, le volume des déchets post-consommation collectés en mélange est toujours bien supérieur (2,315 Kt) à celui de la collecte sélective (1,760 Kt). Résultat : la courbe du recyclage, bien qu’en croissance (20,5%) n’a toujours pas croisé celle de la mise en décharge, sauf, de peu, pour l’emballage (23% pour le recyclage contre 21% pour la décharge). Dans l’Hexagone, seul 1,7% des déchets plastiques collectés en mélange est recyclé contre 45,3% de ceux issus de la collecte sélective.
«Nous restons persuadés que la collecte en mélange des déchets plastique demeure un obstacle rédhibitoire à leur recyclage. Or, en France, la collective sélective reste insuffisante. Quant au traitement des déchets, le taux de mise en décharge a certes diminué pour les emballages mais au bénéfice de la valorisation énergétique et non du recyclage. Contrairement à d’autres Etats membres européens, la France continue à autoriser l’enfouissement des plastiques, une pratique qui compte plusieurs spécialistes sur le territoire national au business florissant…», constate Jean-Yves Daclin.
La production de matières plastiques européenne en difficulté
Ces chiffres encourageants sur les plastiques circulaires sont pourtant à nuancer au regard d’une production de matières plastiques qui continue de reculer sur le Vieux Continent. En effet, avec 56 Mt (1) produites en 2022, la part de l’Europe (2) dans la production mondiale de matières plastiques
(400,3 Mt) est tombée à 14%contre 22% en 2006 (53,9 Mt sur 245 Mt). Signe de sa perte de compétitivité, la production européenne a cumulé un retrait de -10,3% en 2022 suivi d’un autre de -10,5% en 2023. Ainsi, si la balance commerciale reste encore excédentaire, ces excédents ont enregistré une baisse de 43% en deux ans (2020 – 2022) en valeur. «L’industrie plastique amont souffre. Ce phénomène d’ordre structurel pourrait, à terme, compromettre la capacité des producteurs européens et de leurs partenaires aval à pleinement opérer leur transition circulaire. En cela, nous attendons des mesures de soutien de la part des autorités européennes afin que notre filière reste compétitive, face aux Etats-Unis et à la Chine qui investissent massivement et inondent le marché européen de résines parfois de moindre qualité», appelle le porte-parole de Plastics Europe France. A contrario, la France tire mieux son épingle du jeu en 2023 (+4% contre -11,3% en 2022), en raison d’une probable moindre dépendance au gaz russe, de contrats d’énergie long terme et de la mise en place d’un bouclier tarifaire.
De l’importance d’un cadre réglementaire adapté et cohérent
Face à ce bilan en demi-teinte, Plastics Europe voit d’un bon œil l’arrivée du futur règlement européen PPWR. «Il apporte une harmonisation européenne nécessaire, avec une notion de taux d’incorporation de recyclé que nous appelons de nos vœux pour avancer vers cette circularité. Nous défendons également l’acceptation du recyclage chimique et un accès facilité à la biomasse et aux gisements à recycler. Nous regrettons cependant un parti pris anti-plastique flagrant qui rompt la neutralité attendue de l’UE et restons vigilants quant à la future mise en conformité des règlements nationaux avec le futur PPWR», partage Jean-Yves Daclin. L’association professionnelle s’inquiète ainsi d’un plastic bashing de plus en plus prégnant. «Il se traduit par des politiques publiques (objectif 2040 de la loi AGEC de fin de mise sur le marché d’emballages à usage uniques, interdiction des emballages à usage unique pour les fruits & légumes, absence de neutralité entre matériaux…) incohérentes avec ces mêmes politiques publiques en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire, contre la production de déchets ou encore de décarbonation…», déclare Plastics Europe.