L’étui met le papier en valeur
posted Thursday 29 February 2024
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Les marques privilégient actuellement les étuis épurés, mettant l’accent sur la qualité des papiers et des gaufrages. Elles sont de plus en plus nombreuses à vouloir supprimer la cellophane de protection, ce qui génère de nouveaux challenges pour les fournisseurs.
Les étuis vont dans le sens de la sobriété. Actuellement les marques ont tendance à choisir des cartons non couchés à l’aspect plus naturel, à simplifier les décors, et à user du gaufrage pour texturiser le papier – tout en réduisant la quantité d’encre sur le carton et la métallisation. Elles souhaitent aussi retirer les associations de plastique (polyester argent, pelliculage de finition), en les remplaçant, par exemple, par du transfert de métallisation sans plastique, ou du marquage à froid réalisé avec une machine offset. «En termes d’impression, quand c’est possible, on privilégie l’offset traditionnel. Il subsiste encore beaucoup d’impression UV dans le luxe, mais le liant dans l’encre est d’origine minérale. Nous testons une encre UV biosourcée, dont une partie du liant est d’origine organique. Tout notre travail est d’obtenir un rendu proche», explique Bruno Lefebvre, directeur commercial du groupe Verpack.
«Nous suggérons à nos clients de réduire les grammages des papiers, voire des formats, pour limiter la gâche. Parfois quelques millimètres suffisent pour une meilleure optimisation du format papier. Supprimer les sous-couches d’encre constitue une autre piste. Une quadrichromie est parfois très chargée en encre : l’alléger rend le papier plus recyclable, et plus facile à désencrer. Ou bien nous basculons sur une encre ou un vernis à base aqueuse, au lieu d’un vernis UV. Un film spécial existe pour réduire l’épaisseur de la dorure, dans le cas d’une dorure à chaud – que l’on peut aussi remplacer avec des encres or, qui offrent un beau rendu – bien que pas tout à fait équivalent. Par ailleurs, une pellicule sans plastique existe : la pelliculeuse dépose le pigment avec le plastique, qui est ensuite retiré et recyclé de sorte que le produit fini ne présente plus aucun plastique. Un vernis sera alors suffisant pour la protection», détaille Marie-Hélène Marcelli, directrice générale de Carestia Arcade Beauty. La société est spécialisée dans les étuis de petite dimension (jusqu’à 10 ml), et a développé des techniques spécifiques pour répondre aux contraintes de ces formats «mini»: dorure, gaufrage, découpe très fine, pliage/collage standard et spécial, calages avec des petites sections jusqu’à 10 mm…
Supprimer la cellophane de protection
De façon assez logique, de nombreuses marques souhaitent désormais aller plus loin et supprimer la cellophane de protection – qui, d’ailleurs, n’existe pas sur les étuis aux Etats-Unis ! Certains acteurs testent de la cellophane à base d’acétate, d’autres un vernis de protection plus résistant. Selon les acteurs du secteur de l’étui, supprimer la cellophane constitue aujourd’hui une demande récurrente – voire même pressante – de la part des marques. «Pour l’instant, il n’y a pas d’obligation en ce sens, mais on peut penser que ce sera le cas un jour… Cela signifie utiliser des vernis anti-abrasion. En termes d’ACV, c’est vraiment mieux, mais le vernis seul ne suffit pas : sur une teinte noire, bleue marine ou rouge profond, la moindre rayure se voit. Il faut donc revoir plusieurs paramètres – et notamment la conception des étuis ou l’habillage des caisses américaines, pour réduire les frottements», remarque Bruno Lefebvre.
Chez Digital Packaging, Olivier Démétriadis, directeur associé, constate un autre enjeu : «ces vernis très protecteurs peuvent un peu modifier l’esthétisme, notamment si la marque a choisi un vernis mat en décoration : le vernis protecteur peut amoindrir l’effet mat. Ce type de vernis est en outre plus facile à déposer sur du carton couché, ce qui aura peut-être pour effet d’impacter le choix des matériaux – qui, en ce moment, se porte beaucoup sur le carton non couché», dit-il. Ces vernis novateurs sont développés par la société Oberthur Solution (spécialiste des solutions de sécurisation, notamment des billets de banque). Digital Packaging est agréé pour leurs prototypes, et en capacité de déposer leur vernis.
Par ailleurs, la cellophane autour de l’étui assure sa sécurisation en tant que témoin d’inviolabilité. De petites étiquettes peuvent la remplacer, mais les marques souhaitent éviter des éléments rapportés. «Nous devons revoir l’inviolabilité de l’ouverture, avec souvent des solutions de clipsage – déverrouillage issues du monde la pharmacie. Mais ce type de solution génère un déchirement du papier et cela pose un problème dans l’univers du luxe. Or, il est difficile de trouver un système d’ouverture différent de celui, classique, utilisant des pattes. Les étuis avec fermeture en corolle, de type twist, ou avec des fenêtres sont adaptés à de petites séries, mais pas à du conditionnement en automatique pour de gros volumes…», relève Jonathan Mihy, fondateur de MR Cartonnage Numérique – et qui a repris en 2020 la responsabilité globale des activités Packaging de Diam, regroupant les marques MR et Fine Packaging Manufacturers (FPM). «La créativité est limitée par les lignes de conditionnement : l’originalité sur le design des étuis est faible. Parfois, on nous demande de supprimer la colle utilisée pour les pattes, en la remplaçant par une patte venant se loger dans une rainure», ajoute-t-il.
Le papier de création a le vent en poupe
L’originalité semble plutôt se porter sur le papier. Les équipes de Carestia se sont par exemple intéressées au papier de pierre – issu de déchets récupérés sur des chantiers. Un manque d’informations sur le processus de fabrication n’a pas permis d’entériner ce choix alternatif…
«Dans le secteur de l’étui, à notre niveau de maquettiste et de développeur R&D très en amont des projets, nous avons peu de demandes concernant le design volume, les matériaux ou la technique. Les marques se focalisent surtout sur l’esthétisme. Elles apprécient le carton teinté masse, qui inclut parfois directement des effets de nacre, de texture, et permet de supprimer l’impression. Il y a actuellement une forte demande pour ce type de papier à valeur ajoutée», souligne Olivier Démétriadis.
Fedrigoni a récemment étoffé ses gammes de papier de création avec quelques nouveautés lui permettant de se développer sur le marché de l’emballage premium. Sa gamme historique Imitlin – des papiers embossés dont les couleurs résistent à la lumière, et bénéficiant d’un traitement anti-traces de doigts – s’est enrichie d’un nouveau gaufrage rappelant le cuir martelé, de nouvelles teintes, et de deux nouvelles finitions (Glow et Metal). Selon le fabricant de papiers, cette gamme offre une grande résistance à la déchirure et au pliage : une nouvelle version baptisée Allpack, en grammages forts, a été spécialement conçue pour les étuis. Le papetier a également agrandi sa collection Symbol Card avec une nouvelle gamme baptisée Symbol Pack, conçue pour répondre aux applications du packaging premium. Cette carte graphique couchée une face (double couche) en finition satin est déclinée en 28 références. La société a aussi lancé la gamme Mistral, un papier de création non couché profondément embossé. Disponible en grammages de 100 à 400 g pour le packaging, il est adapté aux petites et moyennes séries. Si la tendance actuelle favorise plutôt les teintes blanches et ses dérivés, Fedrigoni fournit également beaucoup de papiers de couleur et noir – notamment la teinte Ultra Black, sans carbone. «Notre offre de teintes noires est multiple, avec des papiers permettant d’appliquer une dorure sans altération de la dorure même», assure Séverine Calmus, directrice de la division Luxe Fedrigoni Special Papers.
Incorporer des matériaux recyclés au papier : du cas par cas
« L’étui peut être prétexte à l’upcycling, avec l’intégration de composants que l’on recycle : par exemple, une marque de mode peut nous demander de récupérer des chutes de ses tissus pour les intégrer à un étui, pour l’édition limitée d’un parfum. C’est possible avec différentes matières, et cela permet de personnaliser le papier», souligne Séverine Calmus. L’intégration de fibres recyclées intéresse également les marques. C’est une tendance actuelle, mais «l’incorporation dans le carton de matières recyclées rend le carton plus mou. Il a moins de tenue, de résistance – et cela implique donc d’augmenter le grammage. La surface est aussi moins blanche», indique Bruno Lefebvre. La fibre, cassée, n’a pas la même résistance de mécanisation. En outre, elle consomme beaucoup d’énergie et d’eau. Fedrigoni tente une autre approche : «nous utilisons souvent du papier «pré-consommateur», issu de casse de fabrication. Ces papiers n’ayant pas été imprimés, ils sont de meilleure qualité. Il est nécessaire de trouver des compromis entre les contraintes de performances industrielles des transformateurs, les choix créatifs, et l’environnement. Cela fait l’objet de nombreuses discussions sur chaque projet», précise Séverine Calmus.
Modifier les calages : un challenge
En outre, les marques réfléchissent «à la suppression de la cale en micro-cannelure, ou à son remplacement par une cale en carton plat – qui n’aura pas le même degré de protection. Un enjeu se joue sur la rigidité et la tenue du carton de l’étui. Nous travaillons avec des cartons faits de fibres plus fortes, pour une meilleure résistance mécanique à grammage équivalent», détaille Jonathan Mihy. Lorsque c’est possible, les marques suppriment les cales pour réduire le format de l’étui. Des formats hybrides, entre étui et coffret, apparaissent. «Elles optent parfois pour un coffret collection tout papier conçu pour accueillir plusieurs produits échantillons. Cela permet d’économiser beaucoup de carton», remarque la directrice de Carestia. Arcade Beauty dispose d’un outil en interne pour calculer l’impact environnemental d’un étui. Bien que l’étui en carton soit l’un des emballages les plus aboutis en termes «écologique», il subsiste encore une petite marge d’amélioration.