Etiquettes vins et spiritueux : un vent de modernité souffle
publié le jeudi 31 août 2023
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Sur les segments des vins, des spiritueux et des bières, les étiquettes se renouvèlent, osant la modernité et le décalage. Les fabricants d’étiquettes offrent un panel de techniques de décoration et de matériaux pour répondre à ces besoins, en repoussant les limites de la complexité.
Sébastien Durand, responsable grands comptes Vins et Spiritueux pour Autajon, part d’un constat : «les goûts des consommateurs ont évolué : la consommation de vins rouges baisse, mais celle des rosés, des blancs, ou des spiritueux «blancs» (gin, vodka) augmentent. Des alcools anciens connaissent un renouveau, comme l’Apérol ou la liqueur de Chartreuse. Ces dernières années, nous constatons aussi un essor considérable du nombre de brasseries et distilleries en France avec la création de nouvelles marques, souvent très qualitatives», analyse-t-il. Pour suivre cette premiumisation des produits, les étiquettes montent en gamme, avec des papiers plus nobles, de la création graphique, et des embellissements techniques (estampage, gaufrage, effets mat / brillant, dorure…). «Les décors sont plus aérés, épurés, pour mettre en valeur le papier, et pour l’aspect durabilité», ajoute-t-il.
En termes de décoration et d’effets, Christelle Dubois, directrice marketing de l’entreprise Inessens, recense différentes tendances sur les vins et spiritueux : des étiquettes à l’aspect naturel (couleurs, étiquettes en bois, en liège, en papier recyclé blanc, ou en kraft) mais aussi des étiquettes «bijoux», avec beaucoup de finesse (dorure galbée, texturée). Issues de la cosmétique, les étiquettes avec une impression «mat perlé» attirent la lumière (dorure nacrée, ton sur ton…). Par ailleurs, certaines marques surfent sur le marketing nostalgique avec des étiquettes «vintage» : le graphisme des années 1980 s’affiche (effet «boule à facettes», couleurs vives, polices impactantes), tout comme celui des années 1920-40 (couleurs jaune moutarde, safran, vert émeraude, et police de caractère idoine). Chez Autajon, Sébastien Durand confirme cette tendance à casser les codes habituels pour donner une autre image au produit et attirer une nouvelle clientèle. «Par exemple, on constate un engouement pour les vins moins alcoolisés, plus faciles à boire, qui sont consommés en dehors des repas, en particulier à l’apéritif…, les étiquettes traduisent ce nouvel état d’esprit qui touche tous les secteurs, bières et spiritueux inclus», remarque-t-il. Papier kraft, design décalé, message humoristique pour plaire aux jeunes…les étiquettes se démarquent sur le plan visuel, et donc en rayon.
Repousser la technique pour des rendus inédits
Pour répondre à cela, les fabricants d’étiquettes disposent d’un panel de techniques. Inessens, qui intègre une agence de design en interne, utilise beaucoup la sérigraphie, et propose un procédé spécifique : la thermogravure. Le principe : une poudre est passée sur une encre, puis dans un four afin de la faire gonfler. La décoration obtenue est ainsi très résistante. A travers ses multiples imprimeries, le groupe Alliance Etiquettes cumule les techniques, comme le vernis sérigraphique, l’impression de couleur à chaud «dômante», ou encore le décor par évidage. Autajon propose également des solutions variées : effet vitrophanie (impression sur les deux faces d’une étiquette permettant de
voir le design à travers la bouteille), encre luminescente, thermosensible ou grattable, effet «flash & see» (lorsque l’utilisateur prend l’étiquette en photo avec le flash, de nouveaux éléments invisibles à l’œil apparaissent), effet 3D se révélant grâce au volume de la bouteille. Autajon a également développé les techniques de l’or coulé et de la dorure numérique, qui présentent un aspect métal fondu. Elles peuvent remplacer la dorure pour du texte ou des éléments de décor. La société travaille aussi sur des étiquettes proposant un rendu proche de celui de l’étain (toucher, visuel, aspect) tout en conservant l’agilité et l’étendue des techniques de l’étiquette industrielle. Quant à Alliance Etiquettes, l’une de ses filiales propose des étiquettes en étain véritable sous la marque Etincia. Déjouant les difficultés liées à la souplesse de la matière, des process et des machines ont été spécialement conçus, permettant de porter l’artisanat d’art à des échelles industrielles. «Notre étain est moderne ! Nous proposons de livrer l’étain en bobine chez le client – et non plus en planche. Nous sommes en mesure de proposer de l’impression numérique sur étain, avec des dégradés, de l’embossage (bandeau en étain polychrome, impression numérique). On pourrait même envisager de l’impression aléatoire sur de petites séries», précise Agnès Deslandes, directrice de création de l’agence de design packaging de l’entreprise. «Nous utilisons essentiellement de l’étain recyclé pour minimiser le prélèvement de ce minerai», ajoute-t-elle.
Animer la matière
Autre tendance : l’animation des étiquettes par un travail de la matière. «Nous sommes dans un monde d’écran – or le papier est immobile. Nous voulons le rendre ludique. Nous essayons de trouver des subterfuges. Nous animons le papier par des effets de galbés, de vernis gonflants. Par ailleurs, nous tentons de remettre au goût du jour une technique qui existe depuis longtemps, mais cela se révèle très complexe », indique Agnès Deslandes. Certains clients souhaitent des étiquettes superposant les matières (2 à 3 étiquettes) pour un effet de volume. Alliance Etiquettes a réalisé «Paradis Perdu», une étiquette bi-matière en papier transparent reproduisant un vitrail, sur lequel est apposé un tag en sérigraphie. Une collerette goulot en étain complète le tout. Chez Inessens, une réalisation pour un client a reçu un trophée au concours FINAT 2023. «Nous avons créé l’étiquette de la bouteille Premius rosé de Freixenet Gratien, composée de deux étiquettes : une transparente avec un marquage à chaud, et une autre en papier bi corps, perforée en son centre et complexée sur l’étiquette transparente», décrit Christelle Dubois. Par ailleurs, les demandes pour des matériaux spéciaux se multiplient : velours, liège, tissu, bois… «En 2022, nous avons conçu une étiquette sur du cuir de poisson local, avec un tannage également local et éco-responsable, que nous transformons en étiquettes de luxe ! Nous avons réalisé beaucoup de tests pour imprimer sur ce galuchat», détaille Vanessa Chavanneau, directrice commerciale et marketing de LithoBru. Une innovation qui a permis au groupe de remporter un trophée sur le salon Vinitech 2022. L’entreprise a également conçu un papier en pur kraft recyclé, issu de cartonneries locales. Concernant la forme des étiquettes, «on revient sur une taille standard. Quelques spiritueux optent pour de grands formats, mais peu», note-t-elle.
L’éco-conception, de la colle aux pigments
Qu’il s’agisse du marché du luxe ou pas, l’éco-conception n’est plus une option, mais un pré-requis. Les fabricants d’alcool recherchent des papiers différents : recyclés, co-sourcés à base de fibre de canne à sucre, de chanvre, de résidu de raisin, d’orge, ou de fleur de coton… «Certains clients souhaitent des étiquettes en plastique recyclé, biosourcé (à base de produits forestiers) – ou même fabriquées à partir de déchets plastiques marins. Ils acceptent aujourd’hui les imperfections visuelles liées au recyclé», souligne Emmanuel Soudant, directeur général de Poly Imprim, fabricant d’étiquettes adhésives et entité du groupe Eurostampa. «Avec le redéploiement des consignes de bouteilles en verre, principalement de vin et de bière, les étiquettes doivent être plus facilement lavables. Les matériaux utilisés sont donc importants – or le lavage est plus compliqué quand l’étiquette est en plastique», remarque-t-il. Alliance Etiquettes vient de lancer une étiquette complètement lavable à l’eau froide : «tout se dissout – papier, colle, encre. Il reste très peu de résidu», assure Agnès Deslandes. Cette étiquette est actuellement testée en partenariat avec l’entreprise Green Gen Techno, qui a conçu une bouteille en fibre de lin recyclé.
«L’éco-conception, c’est à 85% au moment de la conception de l’étiquette. Nous avons réalisé un gros travail auprès de nos clients afin qu’ils prennent conscience des astuces simples à mettre en œuvre pour être plus respectueux dans leur démarche : optimiser le format de l’étiquette génère moins de gâche, choisir un support et une dorure déjà en stock chez l’imprimeur évite une commande spécifique et du transport… ils peuvent en outre éviter les aplats de teintes nécessitant beaucoup d’encre, ou choisir une dorure sans métallisation. Nous avons créé un guide et réalisons un webinaire sur le sujet tous les deux mois», indique Christelle Dubois. Inessens dispose également d’une collection de pigments naturels, issus de minéraux et de végétaux. 16 teintes sont disponibles : «ce sont des couleurs pastel, moins couvrantes que les encres classiques. Notre collection est limitée car nous cherchons à proposer des pigments abordables et résistants à la lumière», souligne-t-elle. Inessens a récemment lancé un support fabriqué en collaboration avec Clairefontaine. Baptisé Clarens (avec pigments naturels), ce papier au «toucher d’antan» texturé est biosourcé, neutre carbone, certifié FSC, et traité REH (résistant à l’état humide). «Il ne grisaille pas, et est disponible en version adhésive ou non. Nous voulions disposer d’un support complet, fabriqué en France afin de maitriser sa provenance, et véhiculant des valeurs de sécurité, d’authenticité. Cela permet aussi de limiter la problématique d’approvisionnement de papier, qui continue car plusieurs papeteries ont dû arrêter la production de certains papiers», note Christelle Dubois.
Réutiliser les déchets
Autajon a mis en place une filière pour le recyclage des glassines (le support siliconé utilisé pour les étiquettes adhésives) avec des prestataires du recyclage. «Le papier et le silicone sont séparés. Le papier est retravaillé pour faire de nouvelles étiquettes plus basiques – contre-étiquettes, étiquettes de logistique, etc. Cette action gagne en ampleur. Entre 2018 et 2022, nous avons recyclé environ 93 tonnes de glassines en Champagne», précise Laura Timpeira, chargée de communication et marketing pour Autajon. Le groupe teste par ailleurs des étiquettes « No ink » (pas d’encre) et zéro déchet. Tous les éléments sur l’étiquette sont basés sur des matériaux recyclés ou réutilisés: papier, déchet d’encre, déchet de dorure à chaud… «Cela créé un effet vintage aléatoire. On sent que cela intéresse les clients – reste à franchir le pas !», sourit Sébastien Durand. Cette offre pourrait être adaptée à des séries limitées.