La filière papier/carton se contracte
publié le mercredi 30 octobre 2024
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Après une année 2022 à l’activité papetière soutenue, 2023 a été marquée par un ralentissement des commandes, plombée par une baisse de la consommation, des tarifs énergétiques qui restent élevés malgré une relative décrue et un contexte inflationniste qui perdure dans une moindre mesure. En parallèle, le mouvement de concentration des acteurs de la filière papier/carton se poursuit.
Selon le dernier rapport annuel du Copacel, la consommation apparente des papiers et cartons en France a reculé de 15% en 2023, entrainant une baisse de la production (-13,5%) ainsi qu’une contraction du chiffre d’affaires des entreprises (-26%). En cause : le maintien de pressions inflationnistes a pesé sur la consommation des ménages (emballages, abonnements …) ; une faible croissance du PIB (0,9% en France en 2023) peu favorable à l’utilisation de produits papetiers par les entreprises (baisse des échanges, de la publicité, des courriers commerciaux …) et l’écoulement des stocks qui avaient été constitués en 2022, accentuant ainsi la baisse des commandes. Même bilan pour le carton ondulé, qui représente 75% des emballages papier/carton. Selon le COF – Carton Ondulé de France – en 2023, 2,47 MT ont été produits, soit un retrait de 6,6% par rapport à 2022, pour 5,1 millions de m² (-6% par rapport à 2022) et un chiffre d’affaires de 3,6 Mrds € (+26,7% par rapport à 2022) en nette augmentation du fait de la hausse de l’inflation. Un ralentissement qui devrait perdurer en 2024 selon les dernières projections macroéconomiques de la Banque de France, avant une reprise en 2025 qui se confirmerait en 2026. L’inflation reviendrait vers 2% d’ici début 2025, avec toutefois des à-coups sur les prix de l’énergie et une baisse plus lente de l’inflation sous-jacente, prévoit la BDF. Le constat est partagé par le cabinet Xerfi : ces difficultés ont persisté début 2024 avec une production en berne (-9,5%) dans la quasi-totalité des segments (pliant, ondulé, recouvert, etc.) et un CA du cartonnage également en retrait de 10% à juin 2024. Entre 2019 et 2024, le secteur a surtout tiré profit d’un effet prix avantageux, analyse le cabinet. Interrogés cet été, les chefs d’entreprise se montrent pessimistes : 39% anticipent une baisse du secteur en 2024, 51% une stagnation.
La restructuration se poursuit
Côté outil industriel, le mouvement de bascule des papiers graphiques vers les capacités de production des papiers et cartons se maintient. Le solde entre les nouvelles capacités et les fermetures reste toutefois négatif, ce qui constitue une explication supplémentaire à la baisse de la production papetière en 2023. En fond, la filière se restructure et connait ces derniers mois une accélération des annonces de rachats, quelle que soit la taille des acteurs concernés (DS Smith / International Paper / Smurfit Kappa / Westrock, Mondi / Schumacher Packaging, Saica / LIC Packaging, MS Packaging / Hinojosa, Autajon / Simply Cartons & Tendero, Cartonnages Gascogne / ATRIA, etc.). «Si le contexte reste morose et les prédictions pour 2024 peu optimistes, il n’y a pas d’abandon de l’emballage papier/carton pour autant, le recul n’étant pas structurel mais conjoncturel», nuance Kareen Desbouis, déléguée générale de Carton Ondulé de France et coordinatrice Cofepac. L’association professionnelle pointe le maintien de l’effort d’innovation de l’ensemble de la profession autour des solutions carton de demain, notamment concernant la fonctionnalisation de la cellulose des emballages primaires. En amont, le Centre Technique du Papier avance sur ses projets de chromatogénie, de microfibrilles de cellulose ou de collage par ultrasons. Si les solutions restent pour l’instant transitoires et en phase d’industrialisation, le but sera de tendre vers des solutions 100% mono-matériaux et de s’affranchir de toute enduction ou vernis d’origine synthétique. Restent les questions de coût, de passage à l’échelle et de mise en œuvre technique à débloquer…
Vigilance réglementaire
La prochaine adoption du règlement européen PPWR permettra d’ailleurs de clarifier les choses en donnant une définition claire d’un emballage composite. «Il s’agit d’un point de départ. Nous avons devant nous au moins cinq ans de travail de précision des textes et d’écriture d’actes délégués : le plus gros reste à faire. Les évolutions vont être importantes», projette Kareen Desbouis.
La filière papier/carton reste également attentive quant à la mise en place de la future REP Emballages industriels et commerciaux (EIC) au 1er janvier 2025. «Nous sommes particulièrement concernés par cette prochaine REP. En effet, 80% des volumes papier/carton concernent les emballages industriels et commerciaux, et le secteur de l’ondulé est également dépendant à 85% des papiers / cartons recyclés». Le COF craint une désorganisation d’un système déjà bien rodé. «Les EIC en papier/carton sont déjà très bien recyclés à hauteur de 91% et côté éco-conception, nous avons en 20 ans réduit le poids moyen du carton ondulé de 15%. Le seul point qui sera à travailler pour notre filière sera la traçabilité statistique de nos volumes», ajoute la déléguée général du COF.
Autre sujet de préoccupation pour Cartonnage et Articles de Papeterie, le futur RDUE – Règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts. Contrairement à l’ondulé, le carton pliant intègre encore 40% de fibres vierges pour des questions de contact alimentaire, d’esthétique ou de mécanisation haute cadence en pharmacie par exemple. «La RDUE impose à la filière bois une notion de traçabilité qui nous semble aberrante et impossible à appliquer : comment savoir de quelle parcelle de forêt vient un étui. Les industriels allemands ont réussi à obtenir un report d’un an de ce support. Mais ce que nous réclamons, c’est que les sous-produits de la pâte papier y soient exemptés», explique Philippe de Boisgrollier, délégué général de Cartonnage et Articles de Papeterie.
Sur ces questions réglementaires, Copacel avait également affiché son inquiétude à la dernière conférence de presse d’avril 2024. Son président Christian Ribeyrolle s’était ainsi exprimé : «en plus des mesures qui seront adoptées dans un cadre national, nous attendons beaucoup d’une réorientation de la politique communautaire. De nombreux textes adoptés dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe vont agir dans les faits comme autant de ferments défavorables à l’activité de notre industrie. Le projet de règlement sur les emballages et celui sur la déforestation sont deux exemples de textes marqués par l’idéologie, mal conçus et ne reposant pas sur de véritables études d’impacts. Il appartiendra à la prochaine Commission européenne et au prochain Parlement de réexaminer les textes les plus problématiques, ceci afin de remettre la politique communautaire sur de bons rails».
Faire fi des idées reçues
Attaqué à son tour par les médias et des ONG de plus en plus agressives (rapport Greenpeace «Tué par le carton» en Suède, émission France 5 Sur le front du 16 septembre dernier, etc.), le carton fait face à un mouvement plus global d’emballage à usage unique «bashing». L’autre chantier de taille en 2024 pour la filière sera celui de la communication. «L’objectif est de rétablir la vérité sur notre métier, et les idées fausses qui circulent sur le papier/carton. Un ouvrage a été publié avec Cartonnerie et Articles de Papeteries sur le sujet, intitulé «Réemployer des mots de vérité»», explique Kareen Desbouis. A la dernière Journée du Cartonnage, Cofepac a annoncé le lancement de son nouveau site web et recensé l’ensemble des actions qui seront à déployer pour davantage faire entendre la voix de la profession auprès des instances, élus, ONG et consommateurs. Et Philippe de Boisgrollier d’ajouter : «nous sommes perçus en France comme des producteurs de déchets et non d’emballages, qui participent pourtant, rappelons-le, à réduire le gaspillage alimentaire. Nous demander de financer le développement du réemploi des autres matériaux concurrents et nous imposer un quota de solutions à réemployer alors que notre secteur a l’un des meilleurs taux de recyclage est tout simplement aberrant. Nous n’avons rien contre le réemploi, elle peut être une des solutions mais pas la seule».