L’airless succombe aussi à la recharge
publié le jeudi 30 mars 2023
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La rechargeabilité séduit les marques et les consommateurs dans quasiment toutes les catégories de la beauté. Sur l’emballage airless, l’enjeu de la rechargeabilité a longtemps reposé sur l’aspect hygiénique et la protection de la formule, mais les fournisseurs sont désormais en mesure de proposer des solutions.
«La rechargeabilité a mis du temps à décoller, mais nous avons désormais beaucoup de demandes, y compris des marques «masstige». Le point essentiel est de proposer un beau produit, qui peut parfois être complexe, tout en étant durable. L’écrin doit donc porter un maximum d’accessoirisation (pompe incluse), et la recharge doit être minimaliste, mais rester aussi agréable à utiliser qu’un produit vente !», résume Patrick Bousquel, directeur marketing beauté EMEA d’Aptar Beauty. Pour répondre à cela, la société a mis au point le pack airless rechargeable Gaia, doté de la pompe Evolution. La coque est customisable et disponible en divers matériaux : résine transparente, PP, aluminium… La recharge (en PP et PE) se retire et s’insère de façon intuitive en mode «push-pull». Un travail particulier a été réalisé pour gérer l’interface entre la pompe et la recharge afin de garantir l’étanchéité une fois les deux assemblés. Autre point essentiel : éviter la contamination d’une formule à l’autre. «S’il reste du produit dans le bec du poussoir, nous conseillons d’aller au bout de la restitution du produit pour qu’il ne reste qu’un minimum de formule. Ainsi la première dose de la nouvelle recharge expulsera le résidu de formule», assure-t-il.
Une recharge airless utilisable de façon nomade
L’emballage airless en version à poche se recharge également. Le fabricant d’emballages Texen, le verrier Bormioli Luigi, et la marque Stella McCartney (via LVMH Beauty Division) ont collaboré pour créer les packs de la première gamme de soins de la marque. Celle-ci, pionnière de la mode durable et éthique, a développé des produits de soin naturels, vegan et responsables. Pour le sérumet la crème hydratante (en pot), elle a opté pour un conditionnement dans un emballage airless rechargeable, en verre. Fait original, la marque souhaitait que les consommateurs puissent utiliser la recharge seule façon nomade : cette poche souple est donc dotée d’une capsule-service. Quant au produit complet, il se compose du packaging en verre, d’un kit de pompe airless (incluant le capot) et de la recharge. En fin de vie, la poche et le bouchon se recyclent dans leurs filières respectives. Le kit pompe et le flacon ou le pot sont réutilisables. La marque indique sur son site différentes étapes pour nettoyer le pack avant de le remplir à nouveau.
Les contenants en verre, fabriqués par Bormioli Luigi, contiennent jusqu’à 15% de recyclé. En 2023, la marque envisage d’utiliser les solutions industrielles du verrier afin de revendiquer une part de verre recyclé pouvant aller jusqu’à 40%. Les équipes ont dû faire face à différents défis. Coté verre, la dimension minimale de l’ouverture et la profondeur du pack devaient permettre à la recharge de se loger facilement dans le pot ou le flacon, et au kit pompe de s’y visser. Texen a acquis l’activité packaging souple de PRP début 2022, et a travaillé sur la recharge. «Pour répondre aux attentes d’éco-conception de la marque, Texen façonne les recharges à partir d’un film multicouches, sans aluminium, décoré et recyclable, assurant l’ensemble des effets barrières requis pour la protection optimale de ces nouvelles formules sensibles», explique Julie Vergnion, directrice marketing et communication chez Texen. Ces recharges sont fabriquées à partir de sources renouvelables certifiées ISCC+, principalement à partir de déchets de bois selon le principe du bilan massique, comme l’indique la marque. Le fait que la recharge puisse s’utiliser seule en version nomade implique des caractéristiques mécaniques renforcées : «la résistance du film et des soudures de la recharge a dû être adaptée à cette nouvelle utilisation», précise Julie Vergnion.
Deux options dans la rechargeabilité
Lablabo a lancé en septembre dernier l’emballage airless en verre Baia Refill, rechargeable avec une poche en PE (pour la marque Cahé) ou en aluminium. Le pack est disponible dans deux dimensions de flacon (30 et 50 ml) pour accueillir des contenances de poche allant de 15 à 50 ml, et deux dosages de pompe. «La façon de recharger est intuitive et ludique : lorsque la poche est vide, il suffit de dévisser la frette pour retirer la pompe et la poche. Le consommateur retire l’opercule de la poche neuve, remet la pompe et revisse la frette. La difficulté était de concevoir une frette qui puisse absorber les tolérances différentes du verre tout en étant esthétique. Nous avons travaillé sur le design et le concept du filetage», détaille Joseph Gerardi, directeur général de Lablabo. Baia Refill existe en deux versions : dans l’une, la poche est démontable, dans l’autre, poche et pompe ne se dissocient pas et l’ensemble est changé. «La plupart des marques avec lesquelles nous travaillons choisissent la première option, qui génère moins de déchet. Mais tout dépend du positionnement de la marque», ajoute-t-il. Baia Refill est également disponible en PE, une version uniquement vendue par le distributeur Embelia. Par ailleurs, tous les composants externes des emballages développés par Lablabo peuvent être fabriqués avec 30% à 50% de matière recyclée (du rPP issu du recyclage chimique, ou du recyclage post-consommation).
Améliorer la recyclabilité
Plus largement, les évolutions de l’emballage airless visent à le rendre toujours plus recyclable. Le transformateur de plastique CEP Cosmétique a, par exemple, mis au point une pompe airless fabriquée principalement en PP, compatible avec des formules liquides ou visqueuses. «Nous avons conçu la pompe CEP Airless à piston pour le marché du soin, avec un dosage faible – jusqu’à 0,16 ml, et pour des contenants de 15 à 50 ml. Il existe peu de pompe en 100% plastique pour ces contenances, car il est difficile de miniaturiser les composants. Vu leur dimension, il était nécessaire de créer un ensemble simple. Le moteur de la pompe inclut trois composants : un soufflet en PE, qui remplace le ressort en métal, un clapet d’entrée et un de sortie. Les interfaces entre ces composants sont fixes, non coulissants, pour garantir une bonne répétitivité et longévité. Cela a demandé un grand travail de développement de moule. Le design du soufflet et l’assemblage des composants comptent également. Il ne s’agit pas d’une simple substitution de ressort !», détaille Vincent Joffre, directeur commercial pour CEP Cosmétique. Cette nouvelle pompe, en phase d’industrialisation, a posé des challenges techniques à différents niveaux. Le ressenti à l’usage devait être identique à celui d’une pompe classique, notamment dans la répétitivité des doses et la douceur d’actionnement. Cela passe par la conception même de la pompe et les matériaux choisis. Par ailleurs, la protection de la formule devait être optimum : un obturateur de sortie a été intégré pour empêcher l’oxygène de pénétrer le pack. Dans son usine de Thiers (Puy-de-Dôme), CEP a investi près de 2 millions d’euros dans une ligne pouvant produire jusqu’à 7 millions de pompes par an. La pompe CEP Airless, en cours de certification RecyClass A, devrait être disponible sur le marché en septembre. Elle peut également être fabriquée en plastique recyclé.
Quant au fournisseur Aptar Beauty, il cherche à remplacer les matières en plastique transparentes, comme le SAN, par d’autres matériaux recyclables, tel le PET, particulièrement compatible et adapté aux nouvelles formules de teint. «Notre objectif est de développer un pack airless fabriqué en un seul type de plastique, à l’instar de notre pompe Future en 100% PE. Cela permettrait de maximiser le nombre de boucle de recyclage, ce qui induit de ne pas mélanger différents plastiques», explique Patrick Bousquel. Aptar Beauty a, en outre, conçu un emballage airless en verre à piston, doté de la pompe Evolution. «Le verre assure une bonne barrière à l’oxygène, et les marques l’apprécient pour l’expérience premium que ce matériau procure. La difficulté technique principale de cet emballage est de faire coulisser un piston en plastique dans un tube en verre, car les tolérances sont différentes. Nous avons conçu un piston spécifique pour cela», révèle Patrick Bousquel. Un pilote en 30 ml est en cours.