Le paradoxe de la transparence – Par Françoise Dassetto, Fondatrice Eferday (Agence design packaging)
publié le mardi 30 novembre 2021
Parce que se nourrir est un besoin vital, il est ancré en nous que l’on ne peut choisir (acheter) sa nourriture sans la voir. Omnivores ayant une alimentation à risques démultipliés, les chasseurs-cueilleurs que nous fûmes se sont toujours fiés à leurs sens pour choisir leur nourriture sans s’empoisonner.
Devenus consommateurs, nos sens nous guident encore. De celui qui se fie aux photos des packagings (donc qui fait confiance à son regard … et à la marque), au consommateur d’aujourd’hui qui ne jure que par la transparence, le besoin est le même : être rassuré sur l’innocuité et la qualité de sa nourriture.
Pendant des décennies, la question de la transparence de l’emballage ne s’est pas posée en ces termes car le plastique est arrivé progressivement. Hormis le verre, l’emballage est principalement opaque. Il a la vertu de protéger les aliments, voire d’améliorer leur conservation. Il nous permet d’accéder à des produits variés et de les stocker.
Progressivement, l’emballage devient plus communicant. Grâce à l’évolution des procédés d’impression et de prises de vue, les photos sur les packagings sont omniprésentes et nous donnent à voir ce que l’emballage masque.
Certains produits requièrent encore (déjà) de la transparence, affirmée ou symbolique : le jambon (au verso d’abord), la 4ème gamme assimilée à du frais et proposant des produits éminemment sensibles à l’œil…
Depuis un peu plus de 10 ans, des scandales alimentaires qui ont créés de la défiance à la quête actuelle de naturalité et d’authenticité, la transparence est devenue le graal absolu : montrer le produit, c’est assurer la progression des ventes … et bien plus.
Quand une marque montre son produit, son discours va au-delà : la transparence s’étend à l’entreprise, elle symbolise le sain, le naturel, l’innocuité, mais aussi la faible transformation, l’honnêteté, l’engagement, la sincérité. Dans une société où la transparence est une valeur phare, l’emballage opaque créé la suspicion et séduit moins.
Le paradoxe est déroutant car le plastique met en valeur le contraire de ce qu’il est : simplicité, naturalité, image de produit peu transformé. Comment apporter cette réassurance en intégrant l’équation environnementale dans un contexte souvent plus complexe qu’il n’y paraît ?
Bien sûr, progressivement le consommateur va s’habituer à des emballages différents, de la 4ème gamme en sachets majoritairement papier aux bouteilles d’eau en matériaux de type carton, les propositions qui se développent vont créer de nouveaux référentiels.
Mais comment accélérer l’adhésion ?
Cela implique de la confiance et de la pédagogie, celle-ci devant s’exercer aussi sur le produit.
Les marques parlent sur leurs packagings parfois autant, voire plus, de l’emballage que du produit. S’il est essentiel d’expliquer les progrès et les efforts réalisés, il faut garder à l’esprit que le consommateur (c’est à dire nous tous) achète, avant une « fonction environnementale de l’emballage », une fonction produit.
Ne parler que des qualités environnementales des packagings dissocie le mix « produit – emballage». En creux, on ne parle que des défauts et des inconvénients de l’emballage, on positionne ce dernier comme l’éternel mal nécessaire que l’on essaie de minimiser, un discours qui peut devenir contre-productif.
Pour accompagner les consommateurs dans une évolution qui nous concerne tous, pourquoi ne pas travailler sur une convergence plutôt qu’une dissociation des bénéfices et inscrire AUSSI l’emballage dans sa fonction liée au produit ?
Les nouveaux emballages et les nouveaux matériaux ont des qualités environnementales ET des qualités pour les produits qu’ils protègent. Qualités qu’il faut continuer de développer mais aussi qualités existantes dont on ne parle pas ou fort peu : innocuité / neutralité pour le produit, barrière aux contaminations, protection contre la lumière…
Élargir le sujet de l’emballage en le redéfinissant également dans son rôle par rapport au produit, doit non seulement nous inciter à innover encore, mais aussi aider les consommateurs que nous sommes tous à nous approprier plus facilement et plus rapidement de nouveaux codes et de nouvelles habitudes d’achat.
Extrait de la revue n° 663 – Novembre 2021. Reproduction interdite sauf accord écrit d’Emballage Digest ou mention du support