Le vrac se cherche de nouveaux modèles
publié le samedi 31 août 2024
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Alors que la filière vrac est toujours dans l’attente en France du décret d’application de l’article 23 de la Loi Climat & Résilience, marques, distributeurs, équipementiers unissent leurs forces pour revoir leurs modèles économique et logistique. Poches souples préremplies pour éviter tout transvasement, nouvelles applications consommateurs, systèmes de pesée et de tarage plus intelligents sont autant de volets adressés pour améliorer l’hygiène et la traçabilité des produits. Avec pour objectif final : faciliter un prochain passage à l’échelle tant attendu.
En léger retrait, le marché du vrac en France – estimé en 2023 à 795 M€ ventes HT* tous secteurs confondus (hors marché fruits & légumes et rayon à la coupe) a été impacté par l’inflation et la crise du secteur bio. Si une reprise est attendue pour 2024, la filière reste dans l’expectative du décret de la loi Climat et Résilience imposant que les magasins de plus de 400 m² doivent consacrer 20% de leur surface à des PGC sans emballages primaires, incluant le vrac mais aussi les rayons traiteur et les fruits & légumes. «Les règles de calcul sont encore attendues et seront adaptées en fonction de la typologie de magasins», estime Célia Rennesson, à la tête de Réseau Vrac & Réemploi. Pourcentage du chiffre d’affaires, du nombre de références produits ou de mètres linéaires, incluant ou pas les allées de circulation, les produits saisonniers, … les spéculations vont bon train. Un gel qui joue forcément sur la mobilisation des acteurs de l’industrie agroalimentaire, qui préfèrent pour l’instant donner priorité à la question du réemploi, porté notamment par le projet ReUse de Citeo. «La France reste un pays pionnier et moteur sur la question du vrac. Nous attendons que les choses se précisent au niveau politique afin de refaire monter sur le haut de la pile des parlementaires le dossier. En parallèle, les initiatives des acteurs de la filière continuent d’avancer positivement», rassure Célia Rennesson, qui confie réfléchir à la question des produits surgelés en vrac, une offre déjà déployée en Pologne, en Italie et en Espagne.
Un registre des solutions harmonisées
Après un an de travaux entre les différentes parties prenantes, en avant Vrac ! porté par Perifem, l’Ilec et le Pacte National sur les Emballages Plastiques publiait début 2024 le Registre de Solutions Harmonisées (RSH). Le référentiel accessible librement en open source à toutes les acteurs du vrac compile les bonnes pratiques et spécifications techniques autour de quatre besoins : le dimensionnement et spécificités des modules par catégorie de produit ; le calibrage d’organisations logistiques pour modules réemployables ; la prise en charge du tarage des contenants consommateurs ; et un système d’informations et de traçabilité des produits. Objectif : favoriser le passage à l’échelle pour une industrialisation par les acteurs de solutions élaborées en commun. «L’ambition du collectif est donc de trouver une autre façon de penser le rayon vrac, autour d’un modèle économique viable. Par exemple, le transvasement des denrées alimentaires au sein de silos pose des problèmes d’hygiène, de perte de produit, de traçabilité et de praticité. Mais cela nécessite un retravail de l’ensemble des acteurs, sur les équipements mais aussi les questions de traçabilité et de simplification du parcours client», explique Christine Bourge, responsable environnement au sein de Perifem. Ainsi, le modèle retenu s’appuie sur l’interopérabilité d’un module-producteur– en l’occurrence une poche remplie et scellée par l’industriel comme celle proposée par exemple par Woodland Garden (encadré p. 7) – que l’on vient raccorder à une station d’accueil fixe en magasin. «Le temps est désormais à la R&D, que ce soit chez les équipementiers, pour adapter leurs machines et les préparer à recevoir ces modules, ou chez les fabricants agroalimentaires, qui doivent trouver les matériaux spécifiques à chacun de leurs produits pour garantir l’effet barrière de ces poches, tout en travaillant à industrialiser leur remplissage et scellage», précise la représentante de Perifem, qui espère qu’une nouvelle expérimentation multi-industriels, multi-enseignes et multi-équipementiers (machines, solutions de traçabilité, balanciers, etc.) pourra prochainement voir le jour, sans pour autant préciser à quelle échéance.
Déployer le vrac pour les produits liquides, semi-pâteux et tartinables
Lancée en 2022 par plusieurs grands noms des PGC – à savoir Bel, Lesieur, Danone et Famille Michaud Apiculteurs – l’initiative Défi Vrac – soutenue par Citeo – a pour ambition de rendre accessible le vrac pour les produits alimentaires semi-pâteux et liquides en grande surface. Après une première phase d’études consommateurs dont l’objectif était de mieux cerner les freins et les leviers autour du vrac pour cette typologie de références, la coalition a récemment annoncé le prochain lancement d’une phase de «test and learn» de six mois, en collaboration avec trois magasins en France (Leclerc Granville, Intermarché Dole et Monoprix Chatillon). «Plusieurs produits seront disponibles, du fromage fondu au sirop d’agave en passant par la mayonnaise ou le yaourt. Les machines seront installées soit au rayon vrac soit dans le rayon correspondant selon la configuration de chaque magasin. La solution technique de réfrigération des produits frais est encore en cours de qualification technique», explique Aude Bongiovanni, chargée d’innovation packaging chez Bel. Côté équipement, la machine du constructeur 3JD Vrac-Liquide a séduit les membres de Défi Vrac, car capable d’accepter un large éventail de produits de viscosité différente. Un atout de taille ! Au stade prototype, son principe reste semblable à celui déjà déployé pour les produits secs : des sachets préremplis plus hygiéniques viendront alimenter l’équipement, la distribution se faisant au travers d’une trémie pour un usage simple et intuitif. «L’idée est de nous adapter à ce qui existe déjà en points de vente, que ce soit pour le parcours consommateur, les machines ou les systèmes de traçabilité, tout en nous appuyant sur les solutions digitales déployées par les distributeurs et leurs partenaires», ajoute la porte-parole de la coalition.
Tendre vers le zéro déchet
S i la France reste active sur la question du vrac avec les projets précédemment cités, la UK Refill Coalition – composée de Berry, Ocado, Aldi, Digi, Eden, Trade Fixtures et CHEP entre autres et orchestrée par les experts de GoUnpackaged – veut se montrer plus ambitieuse avec une solution zéro déchet. «La recharge imaginée par les partenaires de la coalition est 100% réutilisable et sans emballage à usage unique, seul moyen de réduire réellement la consommation de packagings chez le consommateurs», précise Catherine Conway, directrice de GoUnpackaged. Soutenu par le fonds Smart Sustainable Plastic Challenge de l’UKRI et mis en œuvre par Innovate UK, un premier essai pilote en magasin est en cours chez Aldi de Solihull. Basée sur un système de recharge réutilisable à plugger sur les meubles de vrac en magasin, la solution est dédiée aux produits secs. «La coalition a travaillé sans relâche depuis 2020 et a surmonté de nombreux obstacles pour atteindre cette mise en service, notamment au niveau logistique et approvisionnement pour atteindre le zéro déchet, notre objectif final. Cette solution de vrac a été réimaginée afin qu’elle soit universelle et ouverte à tous – détaillants ou marques – grâce à l’adoption de formats standards, à l’instar des fûts de bière ou des palettes. Autre avantage : une réduction entre 80 et 90% des coûts de gestion opérationnelle», ajoute la porte-parole de GoUnpackaged, qui confie être en pourparlers avec des détaillants européens désireux de tester la solution. Un prochain système de distribution de produits liquides de type hygiène/beauté et détergence, en pesage sans tare, est en cours de développement pour un lancement prévu en 2025. De son côté, Ocado Retail planche à une solution de recharges vrac pour les livraisons à domicile avec un système de retours en cours de rodage.