Les aérosols, un marché stable dans un contexte d’enjeux environnementaux
publié le jeudi 30 novembre 2023
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Recyclage, éco-conception, nouvelles applications, évolutions techniques et règlementaires… Jean Blottière (ci-contre), délégué général du Comité Français des Aérosols (CFA), répond aux questions d’Emballage Digest sur le marché des aérosols.
Emballage Digest : Comment se situe la France dans la production européenne de générateurs d’aérosols ?
Jean Blottière : Avec près de 650 millions d’unités produites en 2022, la France est le 3ème pays producteur en Europe. Dans les années 1950, le groupe L’Oréal était le leader en «consommateur» d’aérosols, et c’est probablement toujours le cas. La production française représente 12% du volume européen, qui totalise 5,3 milliards d’aérosols – un chiffre en légère hausse, mais qui était en déclin depuis 2017. L’Europe est le plus gros producteur mondial, et on constate peu de mouvements d’import-export en dehors de cette zone. Le segment hygiène / soin du corps compte pour 55% du volume total de la production européenne. Le premier marché reste le déodorant / l’antiperspirant (1,6 milliards d’unités), puis les laques pour cheveux (422 millions), les produits de rasage (309 millions), les mousses capillaires (251 millions) et les produits divers (284 millions). Depuis toujours, le premier pays producteur est le Royaume-Uni, avec près de 1,4 milliard d’aérosols, soit 27% de la production européenne. Le générateur d’aérosol a été développé pendant la seconde guerre mondiale par les américains et les produits capillaires ont constitué le premier marché, avant les peintures et la crème chantilly. Les plus gros acteurs – comme Unilever, ou Johnson & Johnson – se situaient en Grande-Bretagne. L’Allemagne vient en seconde place, avec 971 millions d’unités produites. C’est le pays de grandes marques comme celles de Beiersdorf ou Henkel. Après la France, l’Italie se place en 4ème position, avec 533 millions d’unités.
E.D : Vers quoi s’orientent les producteurs français d’aérosols aujourd’hui ?
J.B : Sur le territoire, 70 sites industriels sont liés à l’activité aérosol (tous produits confondus). Beaucoup investissent pour améliorer l’empreinte carbone de la production des composants et des aérosols eux-mêmes, par exemple en optimisant le poids du métal, en développant des diffuseurs en plastique recyclé, recyclable et détachables, ou en achetant des composants fabriqués en France. En bref, aujourd’hui l’industrie essaie d’anticiper des écueils (comme maintenir le taux de recyclabilité et augmenter le taux de collecte pour recyclage), notamment ceux liés à la directive relative aux emballages et déchets d’emballages. Notre combat en France, c’est que les aérosols soient déjà bien collectés et triés ! Il y a quatre ans, le taux de recyclage estimé était de 79%, on peut supposer qu’il a encore évolué. Il est étonnant que le générateur d’aérosol soit considéré à usage unique, alors que l’industrie préconise une durée de vie de trois ans… Les industriels sont également attentifs à de possibles écueils liés aux substances chimiques présentes dans les aérosols, et vont vers des solvants ou des gaz propulseurs plus neutres, comme l’air comprimé ou le bioDME (diméthyléther). De plus en plus de substances sont restreintes, comme les gaz fluorés par exemple. Il devient difficile pour les formulateurs de trouver la bonne adéquation entre performances et réglementation. Quant aux producteurs d’acier ou d’aluminium, ils ont eux aussi des objectifs de décarbonation. En France et en Europe, environ 55% des boitiers sont fabriqués en aluminium, et 45% en acier. L’impact environnemental le plus important d’un générateur d’aérosol se situe finalement en amont, lors de l’extraction et la production des matières premières, et les industriels concernés travaillent sur des solutions pour le réduire.
E.D : Quid des aérosols en plastique ? Est-ce que ce marché se développe ?
J.B : Cela reste marginal car la taille maximale du contenant est limitée à 220 ml ras bord. La FEA (Fédération Européenne des Aérosols) est en train de porter le projet d’augmenter le volume à 800 ml, ce qui permettrait de couvrir une gamme entière. En France, ces aérosols en plastique ne sont
pas considérés comme recyclables à cause de la présence de composants en métal, donc les metteurs sur le marché ne les privilégient pas. Mais si des fabricants réussissent à en produire en matières polymères recyclables, sans métal, peut-être que ce segment pourrait gagner des parts de marché. Cela permettrait de développer de nouvelles applications comme des crèmes ou autres produits visqueux pour lesquels la transparence du boîtier peut avoir un avantage marketing. Actuellement, les aérosols en plastique sont surtout utilisés pour des déodorants et des shampooings secs. Au Royaume-Uni, ils sont plus nombreux – notamment pour des gels douches – car dans ce pays, la présence de métal n’est pas un frein à la recyclabilité. L’aérosol en verre, très ancien, est aussi un produit de niche. Il est notamment utilisé pour des parfums, à l’instar de ceux de la marque britannique Milton Lloyd (photo ci-dessous), ou dans les laboratoires de recherche en formulation, car le verre est un matériau neutre.
E.D : Voit-on de nouvelles applications en aérosol ?
J.B : Oui, des crèmes, des gels, des sérums pour le contour des yeux sont désormais conditionnés en aérosols. Les mousses évoluent également, à travers des formules qui se modifient une fois délivrées dans la main du consommateur, telles les mousses crépitantes. Les marques de la beauté s’intéressent aux emballages réutilisables : les industriels de l’aérosol travaillent aussi sur cette notion. Il existe sur le marché des machines destinées à remplir de nouveau les «aérosols», mais légalement, les produits concernés ne sont pas des générateurs d’aérosols : ils tombent sous le coup de la règlementation des «équipements transportables sous pression», qui est plus contraignante en termes de fabrication, de test et d’étiquetage. Pour qu’un aérosol devienne re-remplissable, il faudrait donc obligatoirement modifier la législation actuelle et encadrer cette notion pour garantir le même niveau de sécurité que les générateurs d’aérosols aujourd’hui.
E.D : Sur quoi portent les dernières innovations techniques ?
J.B : On voit de nouveaux alliages permettant de réduire le poids des boitiers en acier ou en aluminium. La tendance est aussi à l’intégration de métal recyclé. Les fournisseurs de composants travaillent sur des valves à poche, des diffuseurs en monomatière détachables, ou mono-composant, des buses permettant d’éclater les particules plus finement pour obtenir un spray plus fin… Au niveau de la décoration des boitiers, je constate de plus en plus d’impression numérique, en haute définition. L’industrie s’intéresse, par ailleurs, à l’identification des produits, grâce à des watermarks, des QR code, de la RFID qui pourraient donner encore plus d’information au consommateur en termes d’usage, de contenu et de gestion du déchet.