Les flacons en plastique : moins, c’est mieux !
publié le dimanche 31 mars 2024
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« Less is more », c’est ainsi que l’on pourrait traduire l’une des tendances majeures sur le segment du flacon en plastique. Moins de matière, moins de couleurs, de décoration – ou bien un décor plus subtil qui n’altère pas la phase de tri, plus de matière recyclée… Les fournisseurs axent leurs efforts vers toujours plus de sobriété.
Le flacon en plastique reste un incontournable pour divers usages dans le secteur de la beauté. Plébiscité dans l’hygiène pour de multiples produits – gel douche, lait corps, produit capillaire, nettoyant visage… – il fonctionne également «très bien pour les brumes corps, ou encore vendu vide aux consommateurs désirant fabriquer leurs produits, ou utiliser de petits contenants pour leurs voyages», note Mallory Bourdon-Touchant, directrice commerciale de Frapak France, société spécialisée dans la fabrication de flacons en PET. Le réemploi est aussi une tendance qui s’accroît sur ce type de produits, par le biais de recharge en poche souple ou en cartouche, ou l’utilisation de cosmétique solide auquel on ajoute de l’eau directement dans le flacon. «Si celui-ci doit être résistant pour être réutilisé, il n’implique pas vraiment de pré-requis technique. Il faut simplement que l’ouverture soit facile, avec un pas de vis large», indique Loretta Riché, responsable marketing de la catégorie Soin pour Albéa Cosmetics & Fragrance. Globalement, la tendance est à la sobriété, avec des emballages simples, de forme classique, de couleur neutre.
En termes de marché donc, le flacon en plastique (désormais principalement en PET, PP, PEHD, sans polymère styrénique) se porte bien. «Toutes les catégories sont en croissance, les volumes augmentent chaque année, et les prévisions vont aussi dans ce sens», résume Loretta Riché. Concernant le design des flacons, elle constate un attrait pour «une esthétique futuriste, qui joue beaucoup sur la décoration avec des effets holographiques, des reflets argentés, métallisés, et des formes aux angles marqués, carrées ou triangulaires. A destination des nouvelles générations, les formes sont plutôt originales et ludiques – asymétriques, rondes, organiques… On voit aussi des flacons souples, à «presser», inspirés du secteur alimentaire», ajoute-t-elle. Des tendances que confirment d’autres fabricants de flacons. Frapak a par exemple étoffé ses gammes avec le modèle Milk Round – un flacon blanc en PET à ouverture large, inspirée des bouteilles de lait. «On reste majoritairement sur une forme bouillote, ronde, facilement étiquetable et disposant d’une bonne surface de communication», résume Mallory Bourdon-Touchant, citant une autre nouveauté baptisée Tila Round, en PET. De son coté, Qualiform a présenté son nouveau flacon standard Alizée, en 200 ml, dans une forme cylindrique trapue. Autre forme appréciée : le tottle, choisi «pour des produits nomades comme des soins solaires ou des crèmes mains. Ils sont fabriqués avec le process du flaconnage, et nous pouvons les décorer grâce à une gravure dans le moule. Les formes rectangulaires et carrées s’imposent de plus en plus dans les rayons du soin et de l’hygiène», remarque Julie Welté, directrice commerciale et marketing de Qualiform, qui fournit principalement des marques cosmétiques sur les marchés du luxe et de la parapharmacie.
Des flacons souples, qui montrent l’allègement en matériau
Bien sûr, design et écoconception sont étroitement liés. La réduction du poids des emballages reste une tendance majeure, et «les marques souhaitent désormais que cela soit visible par le consommateur. Cette recherche d’une nouvelle perception de l’emballage peut passer par un changement de design ou être transmise par sensorialité. Un packaging plus souple confère cette sensation d’allègement. Nous avons lancé le flacon Dolce Light, un format 400 ml en PET, ainsi qu’une gamme de flacons standards «Pin Pack®» en PET, dont les parois sont ultrafines. Cette nouvelle gamme peut faire office à la fois de flacon à part entière ou de recharge. Il s’agit d’un nouveau code pour le marché de la cosmétique : une alternative aux poches souples. Ces flacons, réalisés en injection soufflage, sont allégés de plus de 50% par rapport à un poids de flacon classique, et nous sommes en mesure de les produire en intégrant jusqu’à 100% de rPET», décrit Delphine Delaroche, directrice commerciale de Pinard Beauty Pack. Disponible en 400 ml, 500 ml et 1 L, le flacon Pin Pack offre un design différenciant, avec une capsule service déportée. L’allègement des emballages passe par le design, mais aussi par les technologies utilisées. «On peut jouer avec les moules d’injection pour obtenir un même flacon disponible dans différents poids», explique Mallory Bourdon-Touchant. Au Mexique, Albéa a équipé l’usine de Matamoros d’une nouvelle ligne de fabrication par extrusion, «un procédé qui permet d’obtenir des flacons très flexibles en PP, en PE ou autre selon le résultat souhaité, de toutes formes et dimensions, et plus légers car les parois sont plus fines. L’autre avantage de cette ligne est que nous pouvons intégrer de 25 à 100% de PCR grâce à un process de réintégration des déchets directement dans le procédé de fabrication», décrit Loretta Riché. Cette technologie EBM (Extrusion Blow Molding) est également opérationnelle dans l’un des sites chinois d’Albéa, mais pour l‘instant pas en Europe, où le marché n’est pas demandeur. Les flacons fabriqués en EBM sont principalement utilisés sur les marchés des soins du corps et des cheveux, mais aussi dans le soin visage avec des packs type tottles.
Accroître la part de matière recyclée
Les fabricants continuent de développer des gammes de flacons et de capsules / bouchons fabriqués dans le même matériau, afin d’optimiser le recyclage d’un emballage monomatière. Par ailleurs, l’utilisation de matière recyclée – qui reste généralement plus chère que la matière vierge – s’accentue avec les échéances de la directive sur les emballages et déchets d’emballages (PPWR). «Mais selon la quantité de rPET intégré, la couleur du plastique peut être impactée. Nous avons donc cherché une source de rPET ultra clair, que nous pouvons par ailleurs facilement colorer avec des teintes telles du jaune, du orange ou du rose, par exemple, en étant assurés d’obtenir de beaux rendus», explique Julie Welté. La société utilise par ailleurs du PE et du PP recyclés mécaniquement et aptes au contact alimentaire. «Nous avons été le premier fabricant à offrir un grade de PP PCR certifié FDA pour l’extrusion soufflage, ce qui n’existait pas auparavant», ajoute-t-elle. Rappelons que la directive PPWR vise l’intégration dans les emballages de 7 à 10% de rPE ou rPP d’ici 2030. En 2020, Qualiform déclare avoir été aussi le premier fabricant de flacons premium en plastique pour l’industrie de la cosmétique à adopter le copolyester Cristal Renew d’Eastman, fabriqué avec 50% de matières recyclées issues du recyclage moléculaire. Le groupe de chimie Eastman prévoit d’ailleurs d’augmenter sa production, avec l’implantation d’ici 2026 à Port-Jérôme-sur-Seine, en Normandie, d’une gigantesque usine qui permettra de recycler jusqu’à 200 000 tonnes par an de plastique, grâce un procédé de dépolymérisation par méthanolyse – lors duquel le méthanol est utilisé comme solvant pour rompre les liaisons chimiques des plastiques. Le plastique issu de ce procédé est semblable à un matériau vierge.
Adapter la conception des emballages en pensant au tri
D’ici 2025, Albéa vise de rendre la totalité de ses emballages recyclables, réutilisables, ou compostables – et intégrant un minimum de matériau recyclé de 10%. Le groupe a mis en place différents types de sourcing de PE et de PP recyclés mécaniquement (ou chimiquement, dans une moindre quantité). L’aspect «compostable» reste une demande marginale des clients, mais Albéa travaille avec des partenaires ayant cette expertise. Les fabricants de flacons ont par ailleurs accentué leur collaboration avec les recycleurs, afin de mieux comprendre leurs problématiques. A l’horizon 2030, Albéa travaille avec Citeo sur le projet RecyMakeUp afin de faciliter le recyclage des emballages de maquillage, souvent de petites tailles et fortement décorés. Le but : sortir des résines non recyclables, étudier le comportement au tri et adapter la conception pour que les emballages soient mieux reconnus sur le tapis de tri (couleur, poids, design – un flacon cylindrique étant par exemple problématique car «roulant»). Qualiform émet des recommandations à ses clients concernant la recyclabilité. «Certains éléments sont perturbateurs lors du tri, ou pour la qualité de la matière recyclée. Par exemple, un emballage coloré sera recyclé en filière textile. Mais un emballage transparent décoré par impression directe basculera dans la filière de recyclage des bouteilles, et le décor polluera un peu la matière première. Nous proposons des solutions innovantes pour décorer sans altérer la recyclabilité et la qualité de la matière recyclée, comme par exemple une gravure dans le moule, ou un décor subtil, sans encre, ni film, ni vernis, mais avec un effet ton sur ton, mat – brillant», détaille Julie Welté. Des subtilités dont les clients semblent prendre conscience. Mallory Bourdon-Touchant remarque de nombreuses demandes pour «des flacons colorés, sans trace de carbone dans le colorant pour ne pas perturber le tri. Le carbone se trouve généralement dans les teintes foncées (bleu, vert, ambré). Nous avons testé des colorants végétaux, mais il reste difficile d’obtenir des teintes aussi précises qu’avec des colorants classiques». Frapak a par ailleurs mis au point une solution de marquage à chaud sur capsule – pour remplacer une chape en métal par un effet or, argent, ou brillant.
Une production performante et durable
Certains fournisseurs constatent que les certifications – comme EcoVadis et autres – deviennent des critères de choix. Déjà engagés, pour la plupart, dans des démarches RSE, les professionnels accentuent cet aspect, notamment dans leurs investissements pour une production à la fois plus performante et durable. Qualiform a renouvelé 50% de son parc machine d’extrusion-soufflage ces dernières années au profit de machines électriques, et utilise une centrale de gestion autonome des matières premières. Les carottes (déchets issus de la fabrication) sont récupérées et transitent via des tuyaux vers la centrale pour être réintégrées en temps réel dans la même production. Pour les rebuts ne pouvant être réutilisés, la société a conclu en 2023 un partenariat avec son voisin, le fabricant de jouets Falk, qui réintègre les plastiques dans certains éléments de ses jouets, pour une valorisation locale. En 2023, Qualiform a en outre investi dans une nouvelle machine de sérigraphie avec un séchage LED. Design, production, matériaux : la sobriété doit être à tous les niveaux.