Plastiques et économie circulaire : attention à la précipitation ! Par Agathe Cury, directrice générale de Boissons Rafraîchissantes de France
publié le vendredi 31 janvier 2020
L’emballage de nos produits fait plus que jamais l’objet de toutes les attentions. L’emballage est à présent aussi important que « l’emballé ». Cette transformation s’est d’abord faite sous l’angle de la sécurité du couple emballage/produit puis s’est accélérée avec l’urgence écologique.
L’opinion publique et les ONG ne sont pas les seules à s’être emparées du sujet ; le législateur a mis l’emballage au cœur des décisions politiques.
– Que ce soit au niveau européen, avec le paquet économie circulaire, la directive plastique à usage unique et plus récemment, avec la communication autour du Green Deal de la nouvelle Commission européenne ;
– Ou au niveau national, avec les discussions du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.
Les objectifs fixés s’additionnent, se télescopent et se chevauchent : réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre en 2030, interdiction des emballages non recyclables en 2030, atteinte de taux de collecte allant jusqu’à 90% pour les bouteilles plastiques en 2029 et incorporation de 30% de matière recyclée en 2030, développement du réemploi (5% des emballages en 2023 et 10% en 2027), réduction de 50% des bouteilles plastiques mises sur le marché en 2030, interdiction des emballages plastiques à usage unique en 2040…
La course à l’échalote est lancée ! Si les discussions ont le mérite de poser des questions pertinentes et de nous interpeller sur nos modèles, il ne faut pas imaginer qu’une transformation aussi profonde faite dans la précipitation permettra une transition écologique positive. Les images d’Epinal sont rarement les meilleures solutions d’un point de vue économique et surtout environnemental.
Pour donner l’exemple du secteur de la boisson – et plus spécifiquement celui de la bouteille en PET – les entreprises ont massivement investi dans le développement de solutions de recyclage (mécanique et chimique) et dans la production de bioplastique. Objectif clairement affiché : ne plus dépendre des énergies fossiles. Les efforts ont payé et les résultats sont là. Depuis 2015, les membres de Boissons Rafraîchissantes de France incorporent au minimum 25% de PET recyclé dans leurs emballages. Aujourd’hui, il est même possible de fabriquer des bouteilles 100% en plastique recyclé. . En termes d’émissions, cet emballage émet 6 fois moins de CO2 qu’une bouteille en verre pour réemploi. Un bel exemple d’économie circulaire ! Pourtant, ces avancées majeures sont diluées dans les débats sur le plastique et leurs promoteurs sont devenus complètement inaudibles. L’amalgame entre le plastique et la pollution ne permet plus d’avoir des échanges éclairés. La direction qu’est en train de prendre la France n’est plus celle de l’économie circulaire, c’est celle du 0% plastique à usage unique, quel qu’il soit. Nos interlocuteurs nous parlent des solutions alternatives vues sur les réseaux sociaux ou expérimentées dans leur âge tendre : la bouteille en papier (quid de la déforestation ?), la bouteille en verre pour réemploi (quid de la consommation d’eau pour le lavage et de l’impact de la logistique retour ?), etc. Pour résumer, il ne fait nul doute que le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire sera l’un des textes les plus structurants de ces 10 dernières années. Les discussions qui se tiennent vont avoir un impact majeur sur les modèles économiques, vont entrainer des investissements colossaux et transformer en profondeur la façon dont les citoyens consomment. Pour autant, un travail considérable reste à faire pour identifier et développer les solutions les plus pertinentes d’un point de vue environnemental et économique – sans émotion et de manière documentée et argumentée – et pour changer les habitudes des consommateurs.
La pression des citoyens, des ONG et du législateur est utile. Nos consommateurs sont en droit d’exiger le meilleur, et nous nous attelons quotidiennement à chercher les bonnes solutions pour limiter l’impact de notre activité. Dans cette émulation, soyons toutefois vigilants : les évidences ne sont pas toujours les bonnes réponses, la précipitation n’est pas toujours favorable et … attention aux réveils difficiles…
Extrait de la revue n° 644 – Décembre 2019/Janvier 2020. Reproduction interdite sauf accord écrit d’Emballage Digest ou mention du support