Quand l’emballage devient son propre système anti-contrefaçon
publié le dimanche 31 mars 2024
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Selon l’EUIPO*, la contrefaçon coûte 16 milliards d’euros par an et près de 200 000 emplois à l’industrie en Europe. La France est l’un des pays les plus affectés avec l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et l’Autriche, au travers de sa production cosmétique, leader européenne. Les pertes sur les ventes cosmétiques atteindraient plus de 800 millions d’euros par an et 3 milliards d’euros à l’échelle européenne. Au-delà des enjeux financiers, il y a un préjudice à l’image de marque et des risques sanitaires pour les 10% de médicaments contrefaits dans le monde, selon l’OMS. Pour endiguer ce fléau, les fabricants et spécialistes des technologies de sécurité (Schreiner Medipharm, Schott, ATT, Cypheme, Weber Marking) proposent un panel de solutions à combiner sur l’emballage et l’étiquette pour garantir l’intégrité et la traçabilité sur la chaîne.
Cosmétiques, nutraceutiques, cannabis thérapeutique, médicaments, … aucun produit n’est à l’abri ! Profitant de la complexité des chaines d’approvisionnement mondiales et du développement des ventes en ligne – encore plus depuis la crise Covid, le fléau de la contrefaçon continue de se développer sous toutes ses formes : vols, marchés parallèles, déconditionnement et manipulation des produits… «Le marché des médicaments contrefaits est aujourd’hui estimé à environ 4 milliards d’euros avec un taux de croissance supérieur à celui du marché pharmaceutique», indique Nadine Lampka, chef de produit senior sécurité pharma chez Schreiner MediPharm. Pour lutter contre la contefaçon, les fabricants ont développé un panel de solutions d’emballage et d’étiquetage, dotées de fonctions de sécurité qui peuvent se combiner, pour s’adapter aux stratégies des entreprises et garantir l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement de bout en bout et la sécurité des patients.
Etiquettes d’inviolabilité
Schreiner MediPharm propose plusieurs technologies anti-contrefaçon pour authentifier les produits avec différents niveaux de sécurité visibles ou cachées sur l’emballage et l’étiquette allant jusqu’à l’empreinte numérique : guilloches, hologrammes, micro-textes et microparticules jusqu’aux technologies NFC et RFID. En 2011, les étiquettes d’inviolabilité sont devenues obligatoires et complémentaires à la sérialisation des médicaments, comme témoins de première utilisation. «Les scellés de fermeture sur les conditionnements secondaires fournissent une indication fiable de première ouverture de manière visible au travers d’effets de décollement et de déchirures des fibres, du film, un effet «void» ou la combinaison de ces solutions», explique Nadine Lampka. La dernière solution Tamper Evident lancée par Schreiner Medipharm est composée d’un film durable, contenant jusqu’à 90% de matières recyclées, en ligne avec la réglementation européenne Packaging & Packaging Waste qui impose une teneur minimale en matériaux PCR dans les films plastiques de 65% à partir de 2040. «Le marché des étiquettes d’inviolabilité a retrouvé aujourd’hui une stabilité après une explosion liée à la sérialisation des médicaments», reconnaît Margot Brûlard, chargée de marketing et communication de Weber Marking Systems France, qui propose des étiquettes et des machines d’étiquetage de sécurité depuis son site proche de Toulouse. «Nous venons d’investir dans une nouvelle rotative opérationnelle depuis janvier dernier pour produire de manière plus performante nos étiquettes de protection», précise-t-elle.
Sécuriser l’emballage primaire
Un autre axe est de développer des solutions pour sécuriser les emballages primaires, notamment les seringues préremplies et ampoules dans le cadre des médicaments injectables très utilisés à l’hôpital. Schreiner MediPharm a ainsi développé Syringe-Closure-Wrap, une étiquette multifonctionnelle qui fournit une indication claire de première ouverture des seringues préremplies avec un design innovant. «L’étiquette s’enroule autour de l’ensemble du capuchon et du corps de la seringue comme une seconde peau, décrit Nadine Lampka. Le film est scellé sur le haut, garantissant l’intégrité jusqu’au point d’utilisation, avec également des perforations de sécurité spéciales qui entraînent une destruction partielle de l’étiquette et empêchent sa re-fermeture». Avoir recours à ce type de technologie de protection sur la seringue permettrait de faire l’impasse sur le blister pour la conditionner, avec des gains de coûts et d’espace de stockage et de transport, mais aussi un meilleur impact sur l’environnement. De son côté, Schott met en avant ses Ampoules Anti-Contrefaçon (AC)contenant des particules électroluminescentes visibles et faciles à authentifier avec un lecteur spécial. «Les applications sont larges dans la santé et visent plus particulièrement les services de soins palliatifs pour stocker certains analgésiques, les anesthésiques pour la santé en ambulatoire, ou encore les médicaments pour la santé maternelle et périnatale», souligne Victoria de La Torre, chef de produit mondial chez Schott.
Empreinte digitale
Identifier et tracer un produit sur la chaîne d’approvisionnement grâce à des systèmes intelligents Track & Trace, permet également de lutter contre le détournement et les marchés gris.
L’idée est de vérifier, lorsque nécessaire, l’authenticité d’un produit, son origine et sa destination. C’est pourquoi Schreiner MediPharm intègre des technologies numériques sur des étiquettes pharmaceutiques personnalisées avec des solutions telles que le système de traçage modulaire KeySecure, doté d’un code de sécurité alphanumérique à 15 chiffres comme identifiant unique, vérifiable sur internet ou grâce à un smartphone à chaque étape de distribution d’un médicament.
«Nous avons également développé une étiquette hautement sécurisée avec une signature ADN individuelle intégrée, vérifiable à l’aide d’appareils PCR mobile de manière fiable et rapide sur site et via une analyse ADN médico-légal en laboratoire», souligne Nadine Lampka. La solution qui est une preuve médico-légale d’authenticité devant les tribunaux, s’appuie sur la fonction d’authentification cachée SigNature® DNA de Allied DNA Sciences. D’autres solutions visent les puces RFID intégrées à l’étiquette pour identifier et authentifier sans contact un médicament ou un dispositif médical, et les étiquettes NFC sur les seringues ou auto-injecteurs par exemple, pour permettre à l’utilisateur final de vérifier l’authenticité de son produit.
De son côté, Cypheme propose d’ajouter une signature unique générée chimiquement au travers d’une encre sur un autocollant inviolable ou directement sur les étuis de médicaments, reconnaissable grâce à l’IA. «La nouveauté aujourd’hui est de faire le même processus, sans encre spéciale, pour générer une empreinte digitale à partir de l’analyse extrêmement fine des petites anomalies de l’impression», explique Charles Garcia, cofondateur de Cypheme. Conséquence : il n’y a plus besoin d’autocollant et l’emballage devient son propre système anti-contrefaçon. L’entreprise a mené un premier pilote sur un médicament contre la malaria extrêmement contrefait au Nigeria pour démontrer le potentiel de sa technologie. «Nous sommes en discussion avec plusieurs sociétés pour la mettre en place», confie-t-il.
Des applications d’authentification
Certains marchés sont encore plus sensibles au phénomène de contrefaçon. Ainsi, SEALVector® d’ATT authentifie les produits vendus avec WeChat en Chine. «On s’adapte à la stratégie des marques qui veulent protéger leurs droits, leur image et leurs emplois, voire aller plus loin en donnant les moyens de vérifier l’authenticité des produits aux patients à l’aide d’une appli dédiée sur smartphone, notamment sur les marchés à risque comme la Chine», souligne Eric Dardaine, spécialiste Track & Trace chez ATT. «Notre atout principal est d’apporter des solutions de sécurité sur le produit manufacturé qui modifient le moins possible son procédé de fabrication («seamless»)». Cela passe notamment par le SEALVector® utilisé par L’Oréal. Il s’agit d’un code physique breveté, porteur d’information comme un QR code, qui s’adapte à tous les processus d’impression : numérique, hélio, flexo, gravure laser, voire injection dans le moule… «Un fichier numérique s’insère dans le processus de marquage pour faire en sorte que le produit ou l’emballage porte la signature numérique qui va déterminer si le produit est authentique ou contrefait», explique-t-il. La technologie est ainsi personnalisée au produit et à son processus d’impression. On peut choisir de l’apposer, par exemple, dans la pharmacie sur le film alu inviolable qui vient fermer le blister au plus proche du médicament, et l’étui et la notice. ATT propose également d’autres technologies qui s’adaptent aux besoins des marques : GhostSEAL®, une technique invisible de watermarking contre le marché gris ; SEALCrypt®, un code condensé qui sert de container de données (en alternative à la puce électronique) ; Token Vector, un code alphanumérique unique, afin d’assurer la traçabilité, mais aussi la sécurité. «Le défi actuel relevé par ATT avec SEALVector® est d’authentifier les produits avec l’application WeChat, le Facebook ou WhatsApp chinois, qui va bien plus loin qu’une plateforme de messagerie puisqu’il est possible d’y faire des transactions», conclut-il.