
Traçabilité des emballages de beauté : des solutions multiples selon les besoins
publié le vendredi 28 mars 2025
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Les solutions de traçabilité et d’authentification se développent toujours plus dans l’industrie de la beauté. Les marques optent le plus souvent pour une superposition d’éléments sécuritaires – comme les QR codes et d’autres éléments optiques, en passant par des systèmes plus simples comme les scellés. Parallèlement, la RFID se démocratise.
Personne ne connaît les chiffres exacts de la contrefaçon, et les industriels communiquent peu – voire pas – sur ceux du marché parallèle (dit gris). «Les chiffres de la Direction Générale des Douanes indique que 20 millions de produits contrefaits ont été saisis (hors tabac) en 2023, soit plus de 70% d’augmentation par rapport à 2022 !», souligne Julien Thibult, directeur RIFD et Protection à la source de Checkpoint Systems France. Une augmentation qui s’explique notamment par un renforcement des contrôles sur les flux postaux et un meilleur ciblage des marchandises à contrôler – selon les douanes françaises. Les marques elles-mêmes réalisent parfois des tests, tentant de vérifier l’ampleur de la problématique. «L’un de nos clients a acheté ses propres produits en ligne sur des sites bien ciblés pour faire des vérifications. Résultat : 10% des produits étaient faux…», rapporte Vincent Leyris, directeur marketing produit pour la société ATT (Advanced Track and Trace). ATT a développé il y a de nombreuses années la solution SEALVector®, un authentifiant anti-copie qui intègre un code unique, visible ou invisible, sur une petite surface du produit ou de son emballage, dans le but de l’authentifier et de le protéger de la contrefaçon. «Ce code anti-copie, d’une dimension de 4-5 mm, est imprimé en complément d’un QR code, qui lui peut être facilement copié. Il peut être imprimé sur divers matériaux : carton, plastique, étiquette, textile ou bien gravé sur du métal», indique Vincent Leyris. Selon l’application et le niveau de sécurité souhaité, cette solution est lue de différentes manières : visuelle, avec un smartphone, ou par des dispositifs spécifiques pour les versions invisibles.
La contrefaçon s’exerce de différentes manières, par le biais notamment de la copie pure et simple de la marque et du produit, ou bien de la contrefaçon de marque – avec le logo original contrefait sur des produits n’existant pas dans la gamme de la marque copiée. «On voit également apparaître de plus en plus une contrefaçon de produit, sans contrefaire la marque. C’est ce que l’on appelle une réplique. Par ailleurs, la multiplication des emballages réutilisables ouvre une porte immense à ce phénomène, avec des emballages d’origine remplis d’un produit contrefait», décrit Franck Bourrières, directeur marketing et commercial de la société Prooftag. Mais le problème numéro 1 des marques aujourd’hui reste le marché parallèle, qui résulte d’une problématique d’accords commerciaux entre une marque et ses revendeurs. «L’Europe autorise la circulation des biens sans contrainte, le marché parallèle n’est donc pas illégal en soi, mais il impacte la stratégie des marques – à cause d’une variation dans la valeur des monnaies, ou de déstockages de produits à écouler quand un distributeur fait faillite, par exemple», souligne Franck Bourrières. Les marques cherchent donc à identifier la source du marché parallèle. Cela passe par de multiples solutions. «Il n’existe pas une réponse unique, cela dépend du produit, du conditionnement, de la distribution… Nous analysons les contraintes de la marque pour une solution adaptée afin d’identifier et de suivre le produit : éléments visibles ou invisibles, imprimés, électroniques, etc.», explique-t-il. Concernant les contrefaçons sur des marques se déployant à l’international, «les technologies diffèrent mais la réflexion de fond est la même : qui doit vérifier si le produit est authentique ? Un douanier, le consommateur ? Les technologies seront alors adaptées», ajoute-t-il.
Des combinaisons multiples selon les besoins
Les sociétés spécialisées développent donc des solutions d’authentification (pour s’assurer de l’authenticité du produit) et / ou de traçabilité (pour connaître la circulation du produit). «On constate une demande croissante de l’industrie de la beauté pour intégrer des éléments de traçabilité. Désormais on combine des éléments optiques – un gage de sécurité pour le consommateur – à une sécurisation digitale à l’unité. La crise du Covid a changé la donne par rapport au QR code, qui auparavant pouvait être boudé pour des raisons esthétiques. Aujourd’hui il est totalement intégré aux emballages, c’est même devenu intuitif», résume Damien Guille, directeur du développement produit de Scribos, une filiale du groupe Kurz qui dispose de différents pôles de compétences concernant la sécurité des produits. Cette adoption du QR Code sera renforcée par le fait que les codes-barres EAN traditionnels (les lignes noires verticales) seront progressivement remplacés par les QR Codes, qui deviendront la norme en 2027 selon GS1 – une organisation internationale (dont Scribos est partenaire) établissant des normes pour l’identification des produits. Différentes solutions sont adoptées par le secteur de la beauté, qu’il s’agisse d’une sécurité imprimée, d’un film de sécurité intégrant directement un marquage dans le film, ou / et d’un scellé de sécurité. «Nous avons développé une technologie combinant dans un même QR Code authentification et anti-copie et cela sans nécessiter l’installation d’une application – une contrainte qui limiterait le taux de scan. Le consommateur est incité à interagir avec la marque via un programme de fidélité ou un jeu concours par exemple, et en arrière-plan la marque a accès à la plateforme Scribos 360 pour visualiser toute la traçabilité concernant ce produit», explique Damien Guille. «Les solutions de sécurité peuvent être cumulées et apposées sur des zones différentes du pack, c’est le principe de la sécurité multicouches», indique Caroline Delacour, responsable vente de la division Trustconcept, protection des marques de Kurz France. Le groupe a récemment développé la solution TrustColor®, qui combine des éléments optiques spéciaux avec un effet de changement de couleur selon l’angle du produit et la possibilité d’intégrer des éléments de sécurité. Elle permet ainsi sécurité et design, en protégeant les produits contre la contrefaçon tout en améliorant leur apparence esthétique. «Avec les QR codes unitaires spécifiques et encryptés de Kurz Scribos, il est par ailleurs possible de modifier les données et variables de ceux-ci ou d’une partie de ceux-ci, et d’enrichir un contenu associé ou encore de rajouter des éléments manquants (notice d’information, ingrédients, informations réglementaires pour une zone géographique spécifique, etc.) même si le produit est déjà distribué sur le marché. Cela permet d’éviter de rappeler des produits ou leur retrait pour une simple erreur ou un manque sur un emballage primaire ou secondaire», ajoute Damien Guille.
Le marquage direct renforce la sécurité
Le groupe Kurz est également en capacité d’intégrer de la traçabilité directement sur l’emballage primaire en plastique ou en verre. Les entreprises du secteur travaillent sur le marquage direct, encore plus sécurisant car pérenne. Dans un contexte de marché parallèle, «dans les formules de produits, certains ingrédients sont autorisés dans des pays mais pas dans d’autres. En cas de contrôle, les marques doivent prouver qu’elles ne sont pas responsables et que leurs distributeurs ne jouent pas le jeu. Mais ces distributeurs peuvent tenter d’enlever les éléments qui assurent la traçabilité. Pour éviter cela, nous avons lancé en 2024 GhostSEAL®, une solution anti-diversion fonctionnant par un marquage de points très fins. Chaque motif de points est unique pour chaque produit. Cela permet d’intégrer des motifs imperceptibles à l’œil nu, de relire le code unitaire de l’emballage et de retrouver la traçabilité du produit», explique Vincent Leyris. L’impression de ces points est possible avec des techniques d’impression classiques ou numériques. La vérification peut être réalisée avec une application mobile. L’intelligence
artificielle (IA) est de plus en plus utilisée dans les applications, par exemple pour de la reconnaissance d’image ou la recherche de motifs dans l’image. «Dans une version plus poussée, nos solutions de traçabilité peuvent être combinées à la blockchain («chaîne de blocs», une technologie de stockage et de transmission d’information) pour garantir l’intégrité des informations tout au long de la chaîne d’approvisionnement, et combinée à l’IA pour réaliser de l’analyse prédictive dans le but de prévenir les fraudes», ajoute-t-il. Pour le secteur du parfum, ATT collabore avec des partenaires pour marquer les flacons avec des solutions innovantes, comme le marquage UV – qui se fond avec le verre et est donc difficile à gratter. «Nous travaillons beaucoup sur le marquage
direct des emballages, afin d’éviter le rajout d’une étiquette ou d’un scellé de sécurité. Cela dit, nos ventes de scellés ont explosé en 2024! On constate que des clients tendent à généraliser la protection à toutes leurs gammes, en réduisant le niveau de sécurité pour la mettre sur plus de produits», analyse Franck Bourrières.
Sur le secteur de la beauté, l’intégration esthétique d’une solution de traçabilité est importante. L’espace disponible sur un pack peut toutefois être un frein. Le coût engendré par la sécurisation des emballages en est un autre. «Nous avons réalisé que l’utilisation de nos systèmes peut engendrer des coûts additionnels lorsqu’il y a des opérations manuelles sur les lignes de conditionnement. Nous proposons donc de l’automatisation pour que l’exploitation de la solution soit le plus neutre possible : nous développons des machines s’intégrant sur les lignes de production, pour plus d’économie. Les conditionneurs à façon ont aussi adapté notre outil de traçabilité sur leurs lignes», remarque Franck Bourrières.
Les solutions RFID se démocratisent
Autre solution de traçabilité : la RFID (Radio Frequency Identification), une technologie permettant de mémoriser et récupérer des données par transfert d’énergie électromagnétique. La société Checkpoint Systems conçoit et fabrique ses étiquettes RFID. «Cette technologie se démocratise, le prix des puces a beaucoup baissé – les rendant plus accessibles et ouvrant la voie à un marché exponentiel. Nous les miniaturisons le plus possible. Les nouvelles générations de puces sont de plus en plus sensibles. La technologie RFID a cependant deux ennemis : le métal, et le liquide qui absorbe le champ émis par l’étiquette. Mais sur ce dernier point, nous avons développé une solution, compatible avec les besoins de l’industrie de la beauté, grâce à une conception spécifique de l’inlay RFID (l’ensemble puce + antenne, NDLR) qui permet d’atteindre des taux de lecture supérieurs à 98%. Nous commençons à travailler pour le secteur du parfum en posant à la source des étiquettes RFID UHF (ultra haute fréquence) pour tracer le produit dès sa fabrication. La technologie est lue avec des lecteurs mobiles ou des tunnels, ce qui permet d’identifier beaucoup de produits simultanément en une lecture, bien que chaque produit soit taggué à l’unité», explique Julien Thibult. La société propose également des solutions RFID NFC (Near Field Communication / communication en champ proche) pour lutter contre la contrefaçon.
«Grâce à une étiquette NFC au design spécifique, dont une partie est directement fixée au système d’ouverture (le bouchon par exemple) du contenant, le client peut savoir si le flacon qu’il détient a déjà été ouvert en approchant son smartphone à proximité de l’étiquette. La puce de l’étiquette RFID enregistre dans sa mémoire si l’étiquette a été rompue, ce qui est la preuve d’une ouverture ou tentative d’ouverture du contenant en question», précise-t-il. Sur ce segment de la sécurité qui se renouvelle sans cesse – qu’il s’agisse d’éléments de marquage, de services informatiques hébergés pour interfacer le marquage avec une information, de logiciels ou d’équipements – les marques peuvent choisir des solutions sur-mesure et toujours plus affinées.