Vins & spiritueux : des bouteilles toujours plus légères
publié le mercredi 30 octobre 2024
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Concilier design et allègement, c’est le challenge que doivent relever les verriers pour proposer aux marques de spiritueux et aux producteurs de vins des bouteilles désirables. En parallèle, les fabricants de coiffes, de capsules et de bouchons continuent de développer des solutions plus vertueuses, à base de matériaux naturels notamment.
Bien que la France reste le premier pays producteur de vins au monde – et le second en termes de consommation, le marché accuse une baisse par rapport à 2022 (-2% en consommation – source OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin). En cause, différents paramètres : les marques ont sur-stocké les produits après la pandémie, et les consommateurs changent leurs habitudes, buvant moins d’alcool pour des raisons de santé. «Sur les vins, on note que tous les segments sont en baisse – sauf les vins effervescents, en légère hausse. Les consommateurs apprécient désormais les produits plus frais (vins pétillants, rosé premium), plus naturels (vins de terroir, bio) et les produits avec un taux d’alcool moindre, voire sans alcool. Au niveau des exportations, le constat est à la baisse aussi. La France, 3ème pays exportateur, est en recul de 7% en Europe, et de 13% sur les Etats-Unis. Le contexte mondial, tendu, explique cela, tout comme l’inflation. Et aux Etats-Unis, de nombreuses subventions à la consommation, accordées au moment de la pandémie, ont pris fin en 2023», explique Bruno de Botton, directeur marketing de Saverglass. Le secteur des spiritueux premium est dominé par le cognac en France (la vodka se place en seconde position), mais accuse également une baisse. «Les ventes de cognac sont atones : les prix se sont envolés et ont détourné les consommateurs vers d’autres produits – comme la tequila qui, en devenant plus premium, a gagné des parts de marché. Le whisky, le gin artisanal connaissent une bonne vitalité aussi. Mais ces alcools représentent de petits volumes, surtout sur des produits premium. Du coté de l’export, l’effet de sur-stockage continue aux Etats-Unis et en Chine, où l’on observe une incertitude constante concernant la taxation douanière», analyse Bruno de Botton. «Mais certains segments sont en pleine évolution, comme les boissons sans alcool ou les cocktails prêts-à-boire. La nouvelle génération consomme différemment et cela ouvre d’autres opportunités : les jeunes boivent moins et sont plus attentifs à ce qu’ils boivent, à l’histoire derrière le produit», renchérit Matteo Vitale, responsable marché France de Berlin Packaging.
De nouveaux records en termes d’allègement
L’éco-conception des bouteilles reste au cœur des attentes des marques. Les verriers continuent de les alléger, de réduire les diamètres, les hauteurs. Pour le vin, Berlin Packaging sort trois nouvelles bouteilles allégées (550 g pour une contenance de 75 cl), dont le design fait évoluer celui des bouteilles traditionnelles: le modèle Cassia Evo, par exemple, reprend les lignes de la «bordelaise», mais avec des épaules hautes et une piqure prononcée au sommet plat. La bouteille Postumia s’inspire, elle, de la «bourgogne», en version cou allongé et épaules en angle. Quant au modèle Appia Evo, en verre blanc, avec un col court et des épaules douces, elle laisse une grande place à l’étiquette. Le verrier Verallia a initié son programme d’allègement des bouteilles en 2009. Cette gamme Ecova compte aujourd’hui plus d’une centaine de modèles allégés. D’ici 2025, la société vise d’alléger un quart des références de la gamme de standards Verallia France. Tout récemment, elle a dévoilé une innovation avec sa bouteille bordelaise Air pesant 300 g. «Par le passé, nous fabriquions des bouteilles de 300 g pour les vins «premier prix» – des modèles qui ont depuis disparu et n’étaient pas esthétiques. Nous avons voulu les remettre au goût du jour, en leur apportant un beau design et une résistance similaire aux bouteilles plus lourdes. Nous avons fortement investi dans des outils de modélisation pour concevoir la bouteille et la fabriquer. Ces outils sont poussés : nous mesurons, par exemple, la température du verre lors du formage, afin de savoir quelle doit être la bonne viscosité du matériau pour bien se répartir», détaille Maud Dubois, directrice marketing France de Verallia. Lancée à l’international, la Bordelaise Air 300 g pèse 25% de moins qu’une bordelaise classique. En parallèle, Verallia continue de travailler sur l’allègement de la bouteille champenoise. Le verrier est en capacité de produire désormais la Champenoise Ecova 2, pesant 800 g – contre 835 g dans sa précédente version datant de 1994. «Cette réduction de poids de 4% signifie aussi une réduction de 4% de l’empreinte carbone à la production par rapport au modèle précédent, sans compromis sur la qualité. Nous avons travaillé avec nos outils de modélisation, repensé les moules… c’est un travail chirurgical, au millimètre près !», assure Maud Dubois. Verallia lancera également une demi-bouteille allégée (passant de 500 à 460 g) et travaille sur le format magnum. La société vise par ailleurs de réduire le poids de sa gamme Ecova Evolution à 370 g par bouteille (395 g actuellement), et dévoilera prochainement des bouteilles de bière à col long en version 185 g (contre 200-220 g habituellement), à destination des micro-brasseries.
Le renouvellement constant des designs de bouteilles pour spiritueux
Les verriers proposent régulièrement de nouveaux designs pour les spiritueux, en mode allégé. Berlin Packaging a lancé la gamme Modern Classics, comprenant quatre nouvelles bouteilles. «Dessinées par notre studio interne One Eleven, elles réinterprètent des formes intemporelles avec une touche de modernité. Elles ont été pensées en fonction de la destination du produit, en étant adaptées à des types d’alcool bien ciblés», indique Matteo Vitale. Ainsi les modèles Seraphine et Lumiere (col bulle et corps cylindrique) s’adressent plutôt aux rhums et whiskies ; Alchemist (500 g), de forme minimaliste, avec des épaules plates, rappelle les flacons de distillation d’amers et gins. Le modèle Stone (500 g), avec un col court et un corps à la préhension facile, est lui plus versatile. Le groupe conçoit des modèles et les fait ensuite fabriquer par des partenaires industriels. «Sur le segment premium, il est nécessaire de trouver le bon compromis poids, forme, fonctionnalité, teinte… Sur ce marché, les formes amènent de la différentiation : si on allège trop les bouteilles, on tend vers des formes standards et ce n’est pas notre cœur de métier», souligne Juliette Pruvot, cheffe de produit spiritueux de Saverglass. Le verrier lance la collection Golden Reserve, composée de trois bouteilles pour les spiritueux. La silhouette de Barley s’inspire directement du grain d’orge, et pèse 620 g. La silhouette arrondie de Cask évoque, elle, la forme des fûts utilisés pour le vieillissement des alcools bruns. Sa forme permet justement d’optimiser le poids de verre (500 g). Quant au modèle Malty (550 g), il se prête bien aux alcools bruns, avec sa bague haute, un col bulbe et une silhouette conique. Saverglass a créé des outils de simulation performants (compilant intelligence artificielle, données recueillies depuis des décennies, etc.) pour proposer des possibilités d’allègement sur les bouteilles, notamment sur des modèles existants. «Nous avons, par exemple, poussé la démarche jusqu’au bout en allégeant notre bouteille iconique Oslo : début 2024, nous avons lancé la version Solo en 450 g, plus fine, plus petite, sans semelle… Alléger signifie parfois perdre des détails ou des codes considérés comme premium. C’est accepté en partie sur les marchés scandinaves», ajoute Juliette Pruvot. «Les bouteilles standards peuvent être optimisées grâce à différentes actions : augmenter la part de verre recyclé, repenser le design, fabriquer la bouteille à proximité de son lieu d’usage… les clients sont d’ailleurs demandeurs de services et d’équipes proches d’eux géographiquement. Ils attendent aussi que l’on puisse mesurer tout cela et c’est ce que nous proposons avec le modèle CORE (Circularity, Optimization, Reuse & Refill, Environmental services), que nous avons conçu», complète Matteo Vitale. Berlin Packaging travaille avec des partenaires pour ses certifications, comme Climate Partner. «Par exemple, nous avons proposé à un producteur de rhum notre nouvelle bouteille Hélium Mixology. En verre allégé – le modèle 1 litre pèse 500 g, elle contient jusqu’à 75% de verre recyclé, et un bouchon en verre. Elle est certifiée Climate Partner : cela signifie que nous compensons les émissions de CO2 que nous n’avons pas pu réduire», précise-t-il.
Bouchages : le bois séduit le segment premium
Les fabricants de bouchage poussent aussi toujours plus loin l’éco-conception pour répondre aux attentes des marques souhaitant réduire le sur-capsulage, faire le choix de bouchages en monomatière ou privilégier les matériaux naturels et / ou recyclables – à l‘instar de la capsule à vis en aluminium, qui ne cesse de gagner des parts de marché en France. «On remarque que les coiffes se raccourcissent, que la décoration est plus épurée. Le coté premium est apporté par un travail sur le relief, en utilisant du gaufrage sur les coiffes par exemple», note Isabelle Gruard, directrice marketing du groupe Crealis. «Sur les bouchons à tête, la partie bouchon évolue vers du liège ou du micro-aggloméré. Le bois est demandé sur la partie tête, pour sa naturalité», ajoute-t-elle. La filiale Supercap du groupe Crealis a d’ailleurs racheté en 2023 trois entreprises au Portugal, dans le but d’élargir l’offre des produits en liège naturel. L’utilisation du bois sur les bouchages a explosé ces dernières années. «Nous avons beaucoup de projets intégrant différentes essences. Notre société est spécialisée dans le premium et l’ultra-premium, et nous proposons des projets spécifiques à nos clients des spiritueux. Par exemple pour la Maison Ferrand, nous avons créé 317 bouchons numérotéspour la carafe du rhum Planteray Jamaïca 1984, en utilisant les douelles des barriques dans lesquelles le rhum a vieilli. Les fûts ont été démontés, usinés et travaillés à la main. Chaque bouchon a ensuite été gravé au laser», décrit Lauren Hylton-Davies, responsable marketing des Bouchages Delage. La société Vinolok, une entité du groupe tchèque Preciosa, vient, elle, de lancer la gamme Vinolok Duet, dans l’idée de développer les marchés du spiritueux. Ces bouchons mêlant verre et bois ont été créés par des designers. Ils sont fabriqués en République Tchèque dans les usines du groupe, qui disposent de machines spécifiques conçues en interne. «Le bouchon en verre est assez nouveau sur le secteur du vin. Notre premier marché est le rosé, et on constate aussi une demande de renouveau sur les vins blancs – même si, avec le bouchon Vinolok, nous restons sur un marché de niche», souligne Christophe Chapoulie, directeur commercial de Vinolok France. «Au-delà de l’aspect esthétique, on nous questionne sur la qualité de bouchage. Nous savons que des clients utilisent Vinolok pour des vins gardés de 24 à 36 mois, et cela intéresse les producteurs des vins de demain. Le verre permet un échange d’oxygène lent, proche de ce qu’offre la capsule à vis», assure-t-il. En parallèle, de nouveaux matériaux ou complexes font leur apparition. Crealis a récemment lancé la coiffe Symbiosis, composée majoritairement de papier combiné à l’aluminium. Elle est recyclable dans la filière papier. «Une coiffe est généralement composée d’un complexe trois couches aluminium-PE-aluminium pour garantir sa souplesse et sa résistance. Notre nouvelle solution conserve les mêmes propriétés. Il nous a fallu trouver le bon papier et la bonne proportion de papier et d’aluminium afin que les plis de la coiffe restent en place, et qu’elle soit résistante au frais, au seau à glace», détaille Isabelle Gruard. D’autres nouveautés proviennent de la société Vinventions, qui a conçu Nomacorc Pops, un bouchon pour les vins effervescents fabriqué à partir de matières premières renouvelables issues de la canne à sucre. Son empreinte carbone nette est neutre, selon la société. Quant aux Bouchages Delage, ils ont mis au point «une capsule en plastique fabriqué avec 40% de charges minérales (craie ou coquilles d’huitres). Cela a nécessité un investissement dans une nouvelle machine pour injecter ces produits, car nous n’avions jamais travaillé avec ce type de matière», révèle Lauren Hylton-Davies. Pour proposer des solutions très transparentes, l’entreprise a en outre récemment lancé la collection Exquis, comprenant cinq bouchons dont les têtes font preuve d’un design singulier : quatre sont en plastique (PMMA) et un en verre.
Personnalisation : de l’impression numérique sur capsule à vis
Sur les bouteilles ou les bouchages, la personnalisation intéresse les marques pour de petites séries. Le verrier Saverglass a mis au point une solution de filigrane à l’aide d’un gravage laser à chaud en sortie de machine de formage, qui permet d’ajouter des caractères très fins ou d’incrémenter les bouteilles pour de l’ultra-personnalisation. Chez Verallia, Maud Dubois remarque que «la tendance est à la suppression des capsules. Pour apporter de la personnalisation, nous sommes en mesure de proposer de la gravure autour et sur la bague de la bouteille. Sur les champenoises, nous pouvons graver le fond de la bouteille. Cette technologie, basée sur une gravure dans le moule (pour bouteille standard), ne nécessite qu’un investissement minime», indique-t-elle. Coté bouchages, Crealis a lancé en 2023 la capsule en étain Tempo pour le vin tranquille, qui reproduit l’effet de la cire sur le col de la bouteille. Chaque capsule a une forme unique, tout en pouvant être appliquée sur les lignes classiques de conditionnement. Et dernièrement, Vinventions a dévoilé Vintop Infinite, une capsule à vis décorée par une technologie exclusive d’impression numérique, à la fois sur le dessus et les cotés de la capsule. L’impression se fait en un seul passage, sur une capsule déjà formée. Avec 2000 couleurs disponibles, les possibilités de customisation sont infinies.